Confirmation pour George Benjamin : là même où il triompha avec son précédent opéra « Writen on skin » (2012), son nouvel opus lyrique « Picture a day like this » (imagine un jour comme celui-ci) suscite l’adhésion. Voilà qui confirme Aix tel une plateforme dédiée inspirée à la création lyrique, d’autant plus depuis Written on Skin (présenté ici donc il y a 11 ans) ; après après « Pinocchio » de Philippe Boesmans, et l’an dernier « Innocence » de la regrettée Kaija Saariaho, – drame prenant mais partition scénique bancale. Benjamin quant à lui, renouvelle indiscutablement la réussite de « Written on skin ».
Création de « Capture a day like this » à Aix 2023
George Benjamin signe
un nouveau chef d’œuvre lyrique
Poétique d’une quête sans fin
L’onirisme ouvert, la place du mystère, l’essor d’une suggestivité assumée, féconde fondent l’attrait de ce nouvel opus, sur le livret coécrit / conçu par Martin Crimp (dont c’est la déjà 4ème coopération avec le compositeur britannique). Au centre de ce drame qui est une quête et un cheminement porté par une espérance éperdue, la mezzo Marianne Crebassa qui incarne la mère endeuillée, en imper sinistre, souhaitant ressusciter son enfant, entend rencontrer la personne qui le lui permettra : un être profondément heureux dont elle doit recueillir « un bouton de la manche de son vêtement » ; sur sa route, elle croise des amants, un artisan (épatant et très volubile baryton John Brancy dans son costume fourmillant de boutons justement), une compositrice déjantée (Beate Mordal), un collectionneur, … pourtant aucun ne satisfait sa quête. Le parcours est infini et le sens sans résolution précise. Celle, Zabelle (Anna Prohaska, trouble, suavement ambivalente), comme un double qui lui offre des clés de compréhension sur la réalité qui se dérobe, ne parvient pas réellement à éclaircir le cheminement de la mère. D’ailleurs, à travers ces miroirs constants formant décor, la mère a-t-elle réellement vécu chaque épisode ainsi représenté ? Ou ne sont-ils que des rêves, fantasmes évaporés, produits fumeux de son imaginaire endeuillé ?
Martin Crimp a élaboré un texte profond et sybillin, à la façon d’Hermann Hesse : à la fois poétique et énigmatique, à partir de plusieurs sources (le conte italien La Chemise de l’homme heureux, une fable bouddhiste, le Roman d’Alexandre daté de ca 300 avant J.-C.). Lui répond en fusion naturelle, la musique tout aussi poétique, voire initiatique de Benjamin.
L’orchestre chambriste (instrumentistes du Mahler Chamber Orchestra), dirigé par l’auteur lui-même, scintille par ses reflets et irisations ténues qui expriment l’évolution et la métamorphoses des personnages. Le chant est ciselé, communiquant le profond questionnement comme démuni de l’héroïne, une femme pudique et grave, incarnée par le mezzo pulpeux, soyeux de Marianne Crebassa. Le travail sur la langue éclaire le souci infini et presque méticuleux de Benjamin pour la prosodie de l’anglais. Le parcours de la mère se fait traversée dans des paysages de plus en plus brumeux, incertains que la musique à la fois intranquille et extrêmement raffinée enveloppe de façon croissante, jusqu’au dénouement final, plus serein. Peu à peu, de l’inquiétude, l’opéra verse dans l’étrangeté indéfinissable, dans un monde en mutation, debussyste, qui se dérobe à toute perception rationnelle.
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CRITIQUE, opéra. AIX EN PROVENCE, Théâtre du Jeu de Paume le 22 juillet 2023. George BENJAMIN : Picture a day like this, création. Marianne Crebassa, Anna Prohaska, Beate Mordal, Cameron Shahbazi, John Brancy… Photos © Jean-Louis Fernandez
STREAMING OPERA : à revivre sur ARTEconcert, jusqu’au 22 juillet 2023, LIRE ici notre présentation annonce : Lien direct : https://www.arte.tv/fr/videos/115597-000-A/george-benjamin-picture-a-day-like-this/
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