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«Médée», l'anémique du Grand Théâtre

Anna Caterina Antonacci dans le rôle de Médée.

Comment faire résonner avec pertinence une pièce conçue au cours d'un XVIIe siècle finissant? Par quels subterfuges et astuces peut-on rendre recevables les lignes baroques d'un opéra qui aurait autrement des traits surannés? Les équipes du Grand Théâtre qui se sont attelées à «Médée» de Marc-Antoine Charpentier – le chef d'orchestre Leonardo García Alarcón in primis – y ont apporté des réponses fermes et judicieuses. Comment? En coupant par-ci – dans la partie introductive et pompeuse, qui célèbre les triomphes de Louis XIV, par exemple – en malaxant par-là, dans les partitions des longs récitatifs. Au sortir de la première de cette production, mardi soir, un constat s'est imposé pourtant: les interventions en question n'ont pas suffi à redonner du nerf à une pièce qui a été par ailleurs mal accueillie en son temps (création en 1693), qui a été par la suite durablement oubliée, jusque dans les années 80, puis rarement resservie sur les plateaux.

Peut-on s'étonner de cette longue léthargie? Non, pas vraiment. Cette «Médée» présente au départ des failles non négligeables. Elle souffre de longueurs lassantes et affiche une écriture avare en climax et peu variée dans ses registres expressifs. Au Grand Théâtre, on a assisté alors à l'écoulement d'un long fleuve instrumental souvent ennuyeux; on a fait face à une sismographie musicale très timide, et ce en dépit d'un ensemble, la Cappella Mediterranea, qui s'est affiché sous son meilleur jour.

On devine sans peine, dès lors, le défi que tout cela pose à ceux qui, sur le versant de la mise en scène, ont dû rendre avenant pareil ouvrage. L'Écossais David McVicar n'y est parvenu qu'à de rares passages. En plongeant la dramaturgie dans un décor immuable et immobile – des intérieurs dominés par de gigantesques portes vitrées de grand palais – l'artiste a lesté la pièce de poids supplémentaires. En la surchargeant de ballets, de chorégraphies aguicheuses lorgnant parfois le music-hall, il a semblé vouloir remplir les béances et meubler le plateau, sans que cette opération ne parvienne à apporter du sens à la tragédie de Charpentier.

Quant à la distribution, elle n'a pas non plus permis de changer le sort de cette production. Dans le rôle-titre, Anna Caterina Antonacci a été longtemps dans une sorte de retenue, en délicatesse dans les graves et les médiums. Il a fallu attendre les deux derniers actes pour voir surgir la grande tragédienne. Quant à Cyril Auvity (Jason), sa voix a paru techniquement très limitée, tandis que celle de Willard White, certes imposante et aux charmes boisés, a paru peu agile et fatiguée. Ont brillé uniquement Keri Fuge, qui a campé une Creuse plus que vaillante, et Alexandra Dobos-Rodriguez en Nérine poignante.

«Médée», tragédie en cinq actes de Marc-Antoine Charpentier, Grand Théâtre, jusqu'au 11 mai. Rens. www.geneveopera.ch