Dialogues des Carmélites au Capitole de Toulouse
La production signée par Olivier Py pour la mise en scène, Pierre-André Weitz pour les décors et costumes, Bertrand Killy pour les lumières impressionne toujours par la cohérence globale de l’approche, sa puissance évocatrice et une direction d’acteurs précise, fortement engagée (retrouvez nos comptes-rendus des reprises à Caen, Bruxelles et au TCE), mais cette reprise toulousaine souffre d’un manque d’intensité dramatique sur la durée du spectacle. Les changements de décors semblent dès lors assez longs entre les tableaux principaux avec une intermittence de l’engagement d’acteur, un drame comme en sourdine. De même, la direction musicale est certes chaleureuse, mais Jean-François Verdier adopte un tempo fort ralenti (ne remettant pas en cause les qualités de l’Orchestre National du Capitole et du Chœur, au contraire même, puisqu’ils assument ce parti-pris). Dès la première scène, le relief du récit du Marquis de la Force s’estompe derrière ses pauses élargies. La seconde scène voyant la rencontre au sommet de la Prieure Madame de Croissy et de la postulante Blanche de la Force, prend son temps, mais pas celui d’une crise émotionnelle attendue. Le même principe de retenue et de maîtrise paraît s’appliquer sur toute la partition freinant le déploiement expressif et la montée en puissance de l’ouvrage jusqu’à la grandiose et bouleversante scène finale.
Anaïs Constans aborde le rôle de Blanche de façon franche, comme déjà convaincue de sa funeste destinée, avec une acuité qui l’éloigne des interprètes habituelles du rôle. La voix suit son approche, avec son timbre fruité, une largeur inusitée, un aigu un peu tranché. À ses côtés, Jodie Devos offre à Sœur Constance toute la luminosité vocale requise et un aigu souple, presque transparent. Elle insuffle à son personnage cette simplicité toute paysanne qui le rend si attachant. Anaïk Morel campe une Mère Marie à l’âme apparemment intransigeante, orgueilleuse, mais aussi capable de souffrir. Son beau mezzo-soprano rend justice à ce rôle difficile par ses écarts et ses extrêmes.
Janina Baechle demeure plus en retrait dans le rôle mythique de Madame de Croissy. La voix un peu sourde dans l’ensemble manque de grave et de cette âpreté qui caractérise ce personnage gagné par le désespoir et la peur de la mort au point de presque renier à l’heure ultime toutes ses convictions. Madame Lidoine, la nouvelle Prieure, n’a plus de secret pour Catherine Hunold. Sans paraître vocalement au meilleur de sa forme, elle déploie une ligne qui allie bonhomie et cette franchise de terrienne qui apaisera les carmélites au moment de la montée à l’échafaud. Parmi ces dernières, il convient de noter les prestations de qualité de Catherine Alcoverro incarnant Mère Jeanne et Judith Paimblanc, Sœur Mathilde.
Du côté masculin, Jean-François Lapointe incarne un père compréhensif et douloureux à l’annonce du souhait de sa fille unique de rejoindre le Carmel –la voix tonne sans excès– tandis que Thomas Bettinger donne un relief scénique affirmé au Chevalier de la Force. L’approche strictement vocale un peu déséquilibrée reste cependant à peaufiner pour marquer plus durablement le rôle. Vincent Ordonneau incarne un Aumônier de belle facture et d’une charité sans limite tandis que Jérôme Boutillier campe avec aisance, d’une voix de baryton puissante et timbrée, les rôles plus épisodiques du Geôlier, de Thierry, le valet du Marquis, et de Monsieur Javelinot, le médecin du Carmel.
Pour accompagner cette production de Dialogues des Carmélites et poursuivre sur la voie du sacrifice, le Théâtre du Capitole de Toulouse a commandé au compositeur Marc Bleuse un opéra nouveau d’après L'Annonce faite à Marie de Paul Claudel, dont Ôlyrix vous rend comte derrière ce lien.