Bellini en ouverture de saison à Nice

par

L'Opéra de Nice ouvre la saison d'opéra avec La Sonnambula de Vincenzo Bellini, une coproduction internationale avec le Metropolitan Opera de New-York, le Semperoper de Dresde et le Théâtre des Champs-Elysées.

La distribution vocale appelle des éloges. Le public a le privilège de découvrir la jeune soprano catalane Sara Blanch qui fait forte impression. Elle déchaîne l'enthousiasme dès l'air d'ouverture, la Cavatine "Come per me sereno", qu’elle  chante avec aplomb et prise de risque. C'est maîtrisé de bout en bout et très spectaculaire. Sara Blanch est unique, en termes d'art, de pureté de voix, de ton doré fantastique et de talent. Elle incarne le rôle d'Amina où elle exprime toute la fragilité de l'adolescente innocente. Sa voix est magique pleine d'émotion et l’artiste se surpasse dans l'aria "Ah non credea mirarti" de la scène finale.  Il y a beaucoup de mélomanes italiens, toujours des plus exigeants dès qu’il s’agit de bel canto dans la salle comble et les "Brava" retentissent.

Autre belle surprise, le ténor uruguayen Edgardo Rocha qui interprète le rôle d'Elvino. Rocha est un ténor lyrique léger parfait pour le répertoire belcanto. Sa voix est puissante, souple, douce, ironique avec un phrasé net.  Alors qu'il a interprété pratiquement tous les rôles du répertoire belcanto, il débute dans le rôle d'Elvino.  On apprécie l'homogénéité et la complicité avec Sara Blanch dans les duos du premier acte.

Cristina Gianelli interprète le rôle ingrat de Lisa, l'aubergiste jalouse d'Amina. Sa voix est pleine, juteuse, les sons sont propres, le vibrato est très agréable, mais elle a moins de charisme que Sara Blanch. Le Roumain Andrea Sâmpetrean est très convaincant dans le rôle du Comte Rodolfo. Grand et bel homme, il a une très belle présence scénique. Il est lumineux, caressant et rassurant.  Sa voix est impeccable, élégante et fluide. Annunziata Vestri est très touchante dans le rôle de la mère d'Amina. Vestri est une mezzo-soprano éminente, avec une couleur de voix mûre et puissante, au timbre corsé. Le baryton Thimothée Varon a une belle voix claire et bien équilibrée.

Les chanteurs, le choeur et l'orchestre de l'Opéra de Nice sont en parfaite harmonie sous la direction idoine de Giuliano Carella, grand spécialiste de Bellini.

C'est le célèbre ténor Rolando Villazón qui signe la mise en scène.  Il a interprété tous les rôles de l'âge d'or du belcanto et sa connaissance de la scène fait que les chanteurs et la musique sont respectés. Sa mise en scène est fluide mais il se permet de modifier la fin de l’œuvre : Bellini avait prévu un "Happy End", mais Villazón  a fait le choix de terminer l'opéra en drame. Ainsi, Elvino épouse l'aubergiste et Amina quitte le village avec sa mère, au lieu de célébrer la réconciliation d'Elvino et d'Amina qui se marient. Ce choix donne matière à réfléchir.

Les décors de Johannes Leiacker sont dépouillés dans cette action qui se passe à la montagne. Tout est blanc, placé sous l'onirisme et permettant le rêve. Les costumes signés Brigitte Reiffenstuel  sont foncés et ils évoquent des villageois austères et rigides.  Les trois danseuses aux gestes réglés par Philippe Giraudeau qui entourent Amina qui souffre de somnambulisme, sont vêtues de blanc. Les trois Grâces ? Des anges protecteurs ? Leur présence est un contrepoint dramaturgique bienvenu.

Cette production est un triomphe ! Si l'on pouvait toujours assister à de si magnifiques représentation et entendre chanter de cette façon, l'opéra serait pour notre plus grand plaisir au sommet des arts populaires.

Nice, Opéra, 5 novembre 2022

Carlo Schreiber

Crédits photographiques : © Dominique Jaussein

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.