Il est 20h en ce vendredi 29 septembre et la chaleur estivale bat toujours son plein à l’Opéra de Nice Côte d’Azur. Le public est largement au rendez-vous pour accueillir comme il se doit le premier ouvrage de la saison : Lakmé, chef-d'œuvre lyrique de Léo Delibes dont le livret, qui porte sur l’Inde coloniale du XIXe siècle, n'empêche pas la partition de transcender les frontières du temps et de l'espace. Proposée il y a un an à l'Opéra-Comique, la mise en scène de Laurent Pelly reprise ici par Luc Birraux transporte le public vers un univers japonisant, mettant en lumière l’artisanat nippon, entre pans de papiers manipulés à la main et autres ombres chinoises.

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Lakmé à l'Opéra de Nice
© Dominique Jaussein

Le rideau s’ouvre sur un décor minimaliste composé de pans de papier de riz. Comme pour rappeler le théâtre kabuki, le peuple de Lakmé se distingue par un visage maquillé de blanc. Les artistes en prise de rôle (la distribution étant différente de la représentation parisienne) entrent alors en scène. Dès le départ, Kathryn Lewek brille par sa voix cristalline et sa capacité à exprimer les nuances émotionnelles du rôle-titre. Au fur et à mesure de l’avancement de l’intrigue, sa prestation gagne en fluidité jusqu’à toucher son apogée lors du célèbre air des clochettes.

Toute sa prestation durant, elle fait preuve d’une belle énergie, restant systématiquement engagée malgré l’immense difficulté de la partition qui se joue bien souvent dans l’extrême aigu de sa tessiture. On est toutefois surpris quant à sa représentation visuelle : si l’affiche du spectacle nous promet une Lakmé hindoue, la soprano se révèle blonde et pauvrement vêtue. L’exotisme et le métissage pourtant phares dans l’ouvrage se montrent effacés ; cela se ressent tout particulièrement lors des duos d’amour, où les deux protagonistes paraissent appartenir au même peuple.

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Lakmé à l'Opéra de Nice
© Dominique Jaussein

De son côté, Thomas Bettinger file un Gérald tout en puissance, avec une présence scénique affirmée. Sa diction est parfaitement intelligible, son articulation sans faille. Si les deux chanteurs excellent dans leurs passages solistes, leurs duos manquent légèrement de cohésion. Davantage d'alchimie entre les deux protagonistes aurait apporté une couche supplémentaire d'intensité à l'histoire d'amour tragique.

Les seconds rôles sont loin de démériter, à l’instar de la douceur du timbre de Jean-Luc Ballestra (Nilakantha). Svetlana Lifar, sous les traits de Mrs Bentson, se distingue par sa voix assurée. Majdouline Zerari (Mallika) arbore une voix chaleureuse qui emplit la totalité de l’espace scénique. La diction naturelle et sans fioriture demeure un trait commun à l’ensemble des artistes. Les déplacements de foule (lors du marché notamment) apportent une vivacité tout à fait dans l’esprit de ce deuxième acte très dynamique. Les acteurs déplacent les lampions, contribuant à faire vivre le décor : le théâtre évolue.

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Lakmé à l'Opéra de Nice
© Dominique Jaussein

Les voix sont perpétuellement sublimées par un Orchestre Philharmonique de Nice précis et à l’écoute, rondement mené par Jacques Lacombe. Outre la mise en place d’une toile sonore riche et chargée en émotion, contribuant à donner vie à l'œuvre, l’ensemble s’adapte instantanément à l’intensité vocale des chanteurs, évitant ainsi de les couvrir. Les nuances subtiles, les crescendos dramatiques et la synchronisation remarquable entre l'orchestre et les voix concourent à une expérience musicale brillante.

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