Alors que la ville de Nice vibre au rythme des festivités carnavalesques, l’Opéra de Nice met à l’affiche le déroutant Guru, ouvrage de Laurent Petitgirard créé en 2018 en Pologne, dans une nouvelle production de l’Opéra et du Théâtre National de Nice. L’occasion pour l’institution d’expérimenter un nouveau lieu de représentation : la scène du Théâtre de La Cuisine.

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Guru au Théâtre National de Nice
© Dominique Jaussein

Manipulation mentale, viol et meurtre sont au menu du livret, inspiré d'un fait divers tragique survenu à Jonestown en 1978. À travers le personnage charismatique et effrayant de Guru, le compositeur et son librettiste Xavier Maurel dressent le portrait d'une société rongée par les conflits de pouvoir et la soumission aveugle à un leader charismatique. En mettant en lumière les mécanismes de manipulation mentale, ils alertent le public sur les dangers insidieux qui guettent au sein de nos sociétés modernes.

Il est 20h et la chaleur moite de la salle transporte instantanément le public dans l'atmosphère étouffante d'une île isolée où se déroule l'action de Guru. Dès les premières mesures, l'orchestre, richement fourni en cuivres et percussions, enveloppe la scène d'une sonorité puissante et envoûtante, annonçant une expérience musicale intense. L'écriture de Petitgirard, avec ses lignes mélodiques dissonantes et ses rythmes complexes et irréguliers, amplifie l'atmosphère oppressante qui règne sur l'île.

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Guru au Théâtre National de Nice
© Dominique Jaussein

Le décor unique, composé d’un sol particulièrement travaillé (sable, plantes maritimes, petite mare…) offre un cadre minimaliste. L'absence de fosse d'orchestre place les musiciens au cœur de l'action, tandis que les surtitres, disposés sur les côtés, rendent parfois difficile le suivi de l'histoire. L'utilisation d'un écran, projetant des images de plage en temps réel et des gros plans des visages des chanteurs, permet de plonger au plus profond de l'intériorité des personnages, même si parfois des interruptions peuvent entrecouper la narration. L’intériorité est privilégiée face aux déplacements qui sont manifestement réduits en raison des contraintes scéniques.

Au sein d'une distribution convaincante, Armando Noguera incarne avec brio le personnage de Guru, mêlant charisme et menace dans chaque geste et chaque note. Sa voix, bien que montrant quelques signes de fatigue, reste captivante et imposante. Sonia Petrovna, dans le rôle parlé de Marie, apporte une fragilité touchante à son personnage, contrastant avec la puissance vocale de ses collègues. Anaïs Constant (Iris) brille par ses aigus éclatants et son timbre chaleureux, tandis que Marie-Ange Todorovitch (Marthe) impressionne par sa voix ronde et puissante qui remplit toute la salle. Malgré quelques imperfections, notamment au niveau de la balance entre la voix de Frédéric Diquero (Victor) et l'orchestre placé sous la direction du compositeur, la performance offre une expérience théâtrale et musicale qui va bien au-delà du simple divertissement.

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Guru au Théâtre National de Nice
© Dominique Jaussein

À travers leurs chants, le chœur représente l'âme collective de la secte, reflétant à la fois l'adhésion fervente à la doctrine de Guru et les tensions internes qui commencent à fissurer la façade de l'unité. Les interventions des choristes marquent les tournants dramatiques de l'histoire, soulignant les moments de jubilation et de désespoir, comme le montrent leurs remarquables montées en intensité. Le pupitre de sopranos tout particulièrement résonne avec puissance, exprimant la pression constante exercée par les adeptes.

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