About us / Contact

The Classical Music Network

München

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Avantage Orff

München
Cuvilliés-Theater
04/24/2024 -  et 26*, 28, 30 avril, 2, 4 mai 2024
Ottorino Respighi : Lucrezia (version Richard Whilds)
Natalie Lewis (La Voce), Louise Foor (Lucrezia), Xenia Puskarz Thomas (Servia), Eirin Rognerud (Venilia), Liam Bonthrone (Collatino), Zachary Rioux (Bruto), Thomas Mole/Vitor Bispo* (Tarquinio), Thomas Mole*/Vitor Bispo (Tito, Valerio), Pawel Horodyski (Arunte, Spurio Lucrezio)
Carl Orff : Der Mond (version Takénori Némoto)
Liam Bonthrone (Der Erzähler), Gabriel Rollinson, Vitor Bispo, Haozhou Hu, Pawel Horodyski (Vier Burschen, die den Mond stehlen), Thomas Mole (Ein Bauer), Daniel Noyola (Ein alter Mann, der Petrus heisst)
Extrachor der Bayerischen Staatsoper, Franz Obermair (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Ustina Dubitsky (direction musicale)
Tamara Trunova (mise en scène), Linda Sollacher (décors), Benedikt Zehm (lumières), Eva‑Mareike Uhlig (costumes), Ruslan Berezovyi (vidéo), Laura Schmidt (dramaturgie)


(© Wilfried Hösl)


Si la plupart des représentations de l’Opéra de Bavière ont lieu dans la vaste salle du Théâtre national (2 100 places), il faut se précipiter pour voir ceux organisés dans l’intimité du Théâtre Cuvilliés, évidemment plus rares. Bien que reconstruit après la Seconde Guerre mondiale, ce petit théâtre rococo a su conserver sa décoration originale, qui avait heureusement été mise à l’abri des bombardements : outre ses dorures éclatantes et ses drapés rougeoyants en trompe‑l’œil, cette salle chargée d’histoire peut s’enorgueillir d’avoir accueilli la création d’Idoménée de Mozart, en 1780.


Un placement à l’orchestre ou en loge de face est préférable, tant les loges de côté ne permettent pas une vision optimale, y compris au premier rang, sauf à se pencher pendant tout le spectacle pour embrasser la totalité de la scène. Seul regret : les surtitres ne sont proposés qu’en allemand, alors que l’écran semble pouvoir accueillir deux langues. Rénové en entre 2004 et 2008, le théâtre permet d’accueillir des productions plus ambitieuses qu’il n’y paraît, du fait de la profondeur étendue de sa scène, qui a notamment permis l’installation d’un plateau tournant. Pour autant, la mise en scène de Tamara Trunova choisit de restreindre l’espace à l’avant‑scène pour la première partie du spectacle, consacrée à Lucrèce (1937) d’Ottorino Respighi, dans une réduction de Richard Whilds (2024). Cet opéra en un acte est relié pour la première fois à un autre ouvrage contemporain tout aussi bref, dans une réduction de Takénori Némoto (2007), La Lune de Carl Orff (1939), parfois donné seul (comme à Paris en 2007) mais le plus souvent avec son « jumeau », inspiré d’un autre conte de Grimm, Die Kluge (La Finaude) – quoiqu’à Francfort l’an passé avec un couplage inattendu.


La scène rétrécie pour Lucrèce cherche à créer une sensation de malaise, enfermant l’héroïne et ses suivantes dans des petites vitrines de verre, comme autant de trophées accessibles au plus offrant. La masculinité toxique, ici dénoncée, s’incarne dans l’aspect physique interchangeable des mâles, qui s’interrogent sur la fidélité de leur promise, avant que l’un d’eux ne commette l’irréparable. Plus tard, après l’entracte, les mêmes s’autorisent toutes les audaces en se partageant la Lune, jusqu’à réveiller les morts. La scénographie ouvre enfin la scène pour dévoiler un décor monumental (chargé d’accueillir le chœur), qui évoque une sorte de forêt découpée en pop‑up, admirablement revisitée par les éclairages.


Musicalement, les deux ouvrages appartiennent à des esthétiques différentes, Respighi faisant valoir ses dons d’orchestrateur et son inspiration néoclassique, aux textures globalement allégées, avec quelques emprunts hérités de Puccini dans les réparties aériennes aux vents. Le langage plus immédiatement accessible d’Orff donne davantage de place à l’expression mélodique, autour d’une orchestration minimaliste aux nombreux traits percussifs évocateurs et aux sonorités volontairement grotesques, d’une grande efficacité théâtrale. La première partie piquante de La Lune paraît toutefois plus réussie, là où Orff semble atteindre ses limites dans les passages intimistes, plus convenus en comparaison. Quoi qu’il en soit, la jeune cheffe Ustina Dubitsky (34 ans) trouve le ton juste pour lier les deux ouvrages, offrant une mise en valeur d’une assise rythmique toujours précise et stimulante, d’une expressivité lumineuse. On espère entendre très vite en France cette grande musicienne, qui n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée.


L’autre atout décisif revient au plateau vocal réuni, qui permet de découvrir les jeunes pousses déjà très affûtées de l’Opéra Studio (équivalent de l’Académie de l’Opéra national de Paris). Outre des voix graves masculines impressionnantes dans les seconds rôles, on est surtout émerveillé par le chant souple et naturel de Natalie Lewis (La Voce), au timbre chaud et suave, qui emporte l’adhésion. Louise Foor donne beaucoup de vérité théâtrale à sa Lucrezia, parfaitement tenue sur l’ensemble de la tessiture, de même que Vitor Bispo (Tarquinio), un peu lent à se chauffer, avant de convaincre dans les parties plus vénéneuses, à la fin. On aime aussi le chant ardent de Liam Bonthrone (le Narrateur), bien épaulé par un Daniel Noyola solide dans ses différents rôles.



Florent Coudeyrat

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com