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Tancrède à huis clos

Marie-Nicole Lemieux, qui chante le rôle-titre dans Tancredi. Denis Rouvre / Naïve

Le Théâtre des Champs-Élysées referme cette semaine son festival Rossini avec le premier grand succès du compositeur: Tancredi, dont le rôle-titre échoit à la contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux.

Le rythme! Telle est sans doute la clef du succès de Rossini qui, en 1813, enchaîne les succès: Il Signor Bruschino, L'Italienne à Alger et surtout Tancredi. L'ouvrage est l'adaptation contemporaine de la pièce que Voltaire avait dédiée, cinquante ans plus tôt, à Mme de Pompadour, profitant de la légende du chevalier normand pour dénoncer la terreur de la guerre de Sept Ans. Rossini se réapproprie entièrement l'ouvrage, qu'il contextualise pour le carnaval de Venise de 1813 en le transposant dans la Sicile du XIe siècle, pendant l'invasion des Sarrasins, tout en multipliant les références déguisées aux desseins napoléoniens.

Si l'½uvre est un succès dès sa création à la Fenice, le 6 février, appelant la consécration d'un jeune compositeur d'à peine 21 ans, c'est en partie à cause de son sujet alors très actuel. Mais aussi et surtout grâce à une dramaturgie totalement novatrice, basée sur l'action et les scènes d'ensemble plutôt que sur la succession d'arias propre à l'opera seria. Pour la première fois, le génie orchestral de Rossini s'exprime à plein. Son sens du théâtre aussi, qui fera à dire à Stendhal que le compositeur a su insuffler au genre sérieux, comme aucun autre avant lui, «le feu, la vivacité, la perfection de l'opera buffa: avant Rossini, il y avait bien souvent de la langueur et de la lenteur dans les opera seria ; les morceaux admirables étaient clairsemés, souvent ils se trouvaient séparés par quinze ou vingt minutes de récitatif et d'ennui. Il entreprit la besogne de porter la vie dans l'opera seria

Bêtes de scène

Le sens théâtral. Ce sera principalement la grande gageure de cette nouvelle production du Théâtre des Champs-Élysées, confiée à la baguette experte du chef Enrique Mazzola (à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France) et au regard du metteur en scène Jacques Osinski. Pour faire résonner la portée politique et dramatique de cette ½uvre auprès d'un public d'aujourd'hui, mais aussi souligner le lien de Rossini à Voltaire, ce dernier promet de transposer l'intrigue dans le monde diplomatique contemporain. Un univers d'ambassades et de débats parlementaires souvent labyrinthique, auquel se fera écho un décor moderne agrémenté de murs mobiles, faisant apparaître au fil du drame antichambres, bureaux officieux ou salles d'interrogatoire.

C'est dans ce huis clos insaisissable et fantasmé qu'évolueront les personnages, dont le couple Tancrède et Amenaïde, incarné par Marie-Nicole Lemieux et Patrizia Ciofi. On peut compter sur ces deux bêtes de scène pour empoigner la tragédie, mélange, selon Marie-Nicole Lemieux, «d'amour interdit et d'aspect guerrier». La contralto québécoise, qui avait connu l'ouvrage en 2005 en incarnant le rôle secondaire d'Isaura, identifie dans son personnage un homme qui «n'a pas peur de la mort, il accepte ce concept. Car, pour lui, une mort qui n'aurait pas de sens serait pire que la mort elle-même». Elle compte bien, pour habiter son Tancrède, s'appuyer sur la théâtralité intrinsèque de la musique de Rossini: «Chez lui, chaque vocalise peut avoir un sens dramatique. C'est cela qui est intéressant: c'est une musique vivante. Vivante et belle!»

Tancredi. Théâtre des Champs-Élysées. 15, av. Montaigne (VIIIe). Tél.: 01 49 52 50 50. Dates:du 19 au 27 mai. Places: de 5 à 140 ¤.

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