Publicité

Bonnes nouvelles de Britten à Toulouse

Francis Bamford (Miles) et Anita Watson (la gouvernante), sont deux des individualités marquantes du Tour d'écrou. Patrice Nin

CRITIQUE - Le Capitole a osé rapprocher  Owen Wingrave et Le Tour d'écrou, deux œuvres du compositeur britannique. Le pari était osé, le résultat est éclairant.

Pari osé au Capitole de Toulouse, qui propose un doublé consacré au compositeur Benjamin Britten. Osé, car le public de la Ville rose, malgré les ouvertures naguère tentées par Nicolas Joel, reste majoritairement attaché au bel canto: on ne peut que saluer la volonté de Frédéric Chambert d'élargir le répertoire au XXe siècle. Osé, car on avait pour la première fois couplé les deux opéras tirés de nouvelles de Henry James: Owen Wingrave et Le Tour d'écrou. Ce qui donne un spectacle de quatre heures, d'autant plus exigeant sur le plan de la concentration que les sujets sont particulièrement sombres.

Pourtant, le rapprochement entre les deux œuvres est éclairant et logique. On y trouve la même atmosphère de réalisme fantastique, où l'on ne sait plus tout à fait si l'on est dans le surnaturel ou dans une projection de l'inconscient des personnages. On y rencontre le thème de l'enfance abîmée par le monde des adultes. On y sent le poids des interdits de l'Angleterre victorienne.

Le metteur en scène Walter Sutcliffe rapproche les deux univers en conservant le même principe de décor coulissant, permettant de très rapides changements à vue, alternant les différentes pièces d'un intérieur bourgeois. Seule change la datation, XIXe pour le premier, XXe pour le second. Le procédé est habile mais finit par lasser quelque peu, le décoratif l'emportant sur l'intensité dramatique.

Tout est presque trop clair, trop lisible, au détriment du mystère malsain, de l'ambiguïté inquiétante: on est dans le prosaïque plus que dans le poétique. Même commentaire pour la direction musicale de David Syrus, qui n'ignore pourtant rien de ce style: sa gestuelle très solfégique, à la limite du scolaire, assure l'essentiel de la coordination d'un orchestre peu familier de cette musique, mais ne crée que trop rarement cette urgence implacable qui ne doit jamais vous lâcher.

Le public a réservé un accueil chaleureux à ce doublé

La distribution réunit nombre de jeunes éléments issus du programme de promotion de la relève de Covent Garden. Le fait qu'ils soient anglophones est un atout de poids pour la mise en valeur d'un chant qui repose en grande partie sur les accents de la langue. S'il a l'âge du rôle, l'Owen Wingrave de Dawid Kimberg manque malheureusement de présence, tant vocale que scénique, encore un peu timide pour rendre justice à ce personnage d'objecteur de conscience osant affronter sa famille de militaires en allant jusqu'au bout de ses convictions. La soprano Kai Rüütel s'impose davantage par son rayonnement vocal.

C'est la distribution du Tour d'écrou qui offre les individualités les plus marquantes, avec la gouvernante radieuse d'Anita Watson, le Peter Quint superbement chantant de Jonathan Boyd, la Mrs. Grose puissante d'Anne-Marie Owens et deux enfants de grand talent. Le public présent a réservé un accueil chaleureux à cet exigeant doublé, preuve que Britten touche quoi qu'il arrive.

Owen Wingrave et Le Tour d'écrou, au Capitole de Toulouse, jusqu'au 28 novembre. www.theatreducapitole.fr

Bonnes nouvelles de Britten à Toulouse

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
Aucun commentaire

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

À lire aussi