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Rameau en version cinématographique

Toulouse
Théâtre du Capitole
03/24/2015 -  et 27, 29, 31 mars, 2* avril 2015
Jean-Philippe Rameau : Castor et Pollux
Antonio Figueroa (Castor), Aimery Lefèvre (Pollux), Hélène Guilmette (Télaïre), Gaëlle Arquez (Phébé), Hasnaa Bennani (Cléone, Une suivante, Une ombre heureuse), Dashon Burton (Jupiter), Sergey Romanovsky (L’athlète, Mercure, Un Spartiate), Konstantin Wolff (Le Grand Prêtre de Jupiter)
Chœur du Capitole, Alfonso Caiani (direction des chœurs), Les Talens lyriques, Christophe Rousset (direction musicale)
Mariame Clément (mise en scène), Julia Hansen (décors, costumes), Bernd Purkrabek (lumières), fettFilm [Momme Hinrichs et Torge Møller] (vidéo)


(© Patrice Nin)


Il faut bien croire que chaque saison a ses réhabilitations, et cette année, c’est au tour de La Clémence de Titus et de Castor et Pollux, chacun bénéficiant en France de trois nouvelles productions. Pour ce qui concerne l’opus de Rameau, les célébrations du deux cent cinquantième anniversaire de sa mort ont certainement donné une impulsion supplémentaire, qui aurait aussi bien pu bénéficier à Hyppolite et Aricie, Les Indes galantes ou Dardanus. Sans doute Castor et Pollux offre-t-il un matériau dramaturgique plus consistant – c’est du moins ce que la proposition de Barrie Kosky à Dijon et Lille a pu mettre en avant, davantage probablement que le travail de Christian Schiaretti au Théâtre des Champs-Elysées.


Etant entendu désormais que la version révisée, et condensée, de 1754 prévaut, Mariame Clément a, à sa manière, tiré parti des tenants et aboutissants du livret, pour en éclairer la dimension familiale. Créée au Theater an der Wien en 2011, sa lecture s’appuie sur une scénographie unique autant qu’habile, autour d’un grand escalier d’une demeure cossue aux vagues relents de suspens à la Agatha Christie ou Hitchcock. Evacuant plus que ne résolvant absolument la question des intermèdes et des pages chorégraphiques, elle les habite par des projections vidéographiques – dont on peut saluer la réalisation par le collectif fettFilm – à la manière de flash-back, nourrissant l’explication psychologique – voire psychanalytique – et généalogique du drame, grâce à l’intervention d’acteurs doublant les quatre rôles principaux, à l’enfance et pendant l’adolescence. Ramenées à un plan humain, sinon trop humain, les rivalités amoureuses opposant Phébé et Télaïre s’explicitent avec une acuité presque bourgeoise, quand se fait jour, avec une pertinence salutaire, l’ambivalence des sentiments entre les deux demi-frères jumeaux, mêlant dévouement, déception et sourde jalousie – on retiendra l’appel de Pollux dans le bureau de son père Jupiter, interdit au mortel Castor. Le résultat, d’une belle cohérence visuelle et narrative, aboutit à une incarnation des personnages qui les rend plus proches du spectateur, quitte à les déplumer de leur majesté mythologique. Cela n’interdit pas néanmoins une fine adaptation christique de la conclusion, réunion gémellaire au firmament. On ouvre le cercueil vide de Castor – ou de son frère après l’échange des habits comme métaphore de la destinée – après l’assomption à la divinité, avant que la Chaconne ne restitue la réalité du deuil.


Fruit d’une maturation indéniable, Les Talens lyriques respirent avec une plénitude accomplie, et rendent justice aux couleurs de la partition de Rameau. Le clavecin expose une brillance légère, très française, tandis que les bois déploient une densité savoureuse. Le cisèlement rythmique n’hésite pas à s’abandonner à la jubilation sonore. Christophe Rousset démontre sans ambages que la caricature dont on a affligé les baroqueux est devenue sans fondement. La distribution vocale prend de son côté quelques libertés avec les canons stylistiques consacrés par des habitudes récentes. La frêle Télaire d’Hélène Guilmette est peut-être celle qui s’en révèle le plus proche. Elle distille une fraîcheur et une subtilité remarquables, habitant son «Tristes apprêts» d’une musicalité évidente. Gaëlle Arquez se montre une Phébé robuste, plus encore que lors des représentations dijonnaises; douée d’un sens théâtral incontestable, elle accentue les tonalités métalliques d’un instrument solide, et prometteur pour d’autres répertoires. Antonio Figueroa donne l’impression de se contenir pour rester dans les limites de la souplesse et de la luminosité de Castor, contrastant avec le Pollux d’Aimery Lefèvre, modérant au fil de la soirée une intonation souvent basse. Sergey Romanovsky affirme l’éclat de l’Athlète, à défaut d’un naturel irréprochable, et apparaît également en Mercure et Spartiate. Dashon Burton impose l’autorité de Jupiter. Hasnaa Bennani – Cléone, Suivante et Ombre heureuse – ne manque pas d’atouts, pas moins que le Grand Prêtre confié à Konstantin Wolff. Saluons enfin le Chœur du Capitole, préparé par Alfonso Caiani à une écriture sensiblement différente de celle à laquelle il est accoutumé: les barrières sont faites pour être levées, et le Théâtre du Capitole s’y emploie ici avec succès.



Gilles Charlassier

 

 

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