Journal

​Olympie de concert au Théâtre des Champs-Élysées - Réveil triomphal de charmes endormis - Compte-rendu

Concert événement, qui ouvre en grande pompe le 4e Festival Bru Zane à Paris, Olympie fait salle comble au Théâtre des Champs-Élysées et réunit toute la presse spécialisée. Car c’est bien d’un événement qu’il s’agit, avec la résurrection de cet opéra de Spontini qui a connu en son temps une destinée équivoque. La troisième version est ici donnée à entendre : celle de 1826, reprise à Paris et en français de celle de Berlin en 1821 (avec un dénouement devenu heureux). La version originale, créée à Paris en 1819, ayant disparu sans laisser de trace de sa partition, dans la foulée de son insuccès.
 
Encore que, pour ce concert, cette version subisse apparemment quelques coupures : en particulier le ballet, et, plus étonnamment, la « Marche triomphale » célèbre en son temps (et dont Berlioz se fera l’écho), dont on s’explique mal l’absence. Coupures que l’on regrette toujours, et d’autant plus pour un ouvrage que l’on a si peu l’occasion d’entendre.
 
Cette légère réserve faite, on ne peut que louer la restitution. Après des premiers moments assez laborieux (redevables certainement de la fatigue des longues séances d’enregistrement précédant ce concert) (1), avec un Cercle de l’Harmonie quelque peu brouillon et un Chœur de la Radio Flamande tout à trac, sous la battue brusque de Jérémie Rhorer, tout se met en place à partir du deuxième tiers du premier acte, pour ensuite ne plus se relâcher et ne plus lâcher l’attention. Et le chœur comme l’orchestre, animés d’une direction devenue efficiente, de soutenir un plateau vocal d’une magnifique envolée. Puisqu’il bénéficie d’un trio vocal de choix : l’Olympie éminemment lyrique, dans son phrasé et son legato, de Karina Gauvin (photo), la Statira irradiante de Kate Aldrich, et le Cassandre emporté de Mathias Vidal (remplaçant avec la science vocale qu’on lui connaît, Charles Castronovo initialement prévu). Les uns et les autres - on n’oublie pas l’Antigone de Josef Wagner, l’Hiérophante de Patrick Bolleire, ni Philippe Souvagie (Hermas / Un Prêtre) -, et le chœur flamand tout autant, se distinguant par une pertinente articulation française. Quand bien même on s’attache difficilement à cette intrigue, sur un sujet antique tiré de la tragédie éponyme de Voltaire, mettant aux prises une héroïne partagée entre son amour et ses remords tragiques de convention.
 
Mais on jouit alors pleinement de maints détails de la partition, dans des ensembles inspirés, des touches subtiles, une inventivité constante et des formules inhabituelles, en particulier dans des cadences qui ne sacrifient pas aux mauvaises habitudes du temps (et à ses répétitives cadences napolitaines, dont Rossini et Bellini ont abusé), en dépit de débordements parfois excessifs. Bien que la trace de Gluck se fasse parfois subrepticement sentir, on saisit l’influence que Spontini, et Olympie en particulier, ont pu avoir sur les compositeurs qui suivront, dont Berlioz et Wagner au premier chef. Une grande et belle œuvre, qui n’attendait que le réveil de ses charmes endormis. Et une exhumation parfaitement menée et aboutie, et cette fois des plus justifiables, qui ne saurait mieux parler de la valeureuse mission du Palazzetto Bru Zane. (1)
 
Pierre-René Serna

logo signature article

 
(1) Un enregistrement est prévu dans la collection «Opéra français » du Palazzetto, qui vient tout juste de s’enrichir du Cinq-Mars de Gounod réalisée en janvier 2015 sous la direction d’Ulf Schirmer.  
 
Spontini : Olympie (version de concert) - Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 3 juin 2016.

Photo © Michael Slobodian

Partager par emailImprimer

Derniers articles