La chaleur toulousaine semblait avoir déjà eu raison des dernières motivations et le public clairsemé s’amassait tardivement devant l’entrée du Théâtre du Capitole. Il faut dire que pour ce dernier opéra de la saison lyrique, la part d’inattendu était limitée. La production reprenait en effet mise en scène, décors et costumes de la création toulousaine 2008-2009 amenée à l’époque par Michel Plasson et Nicolas Joel, et qui avait connu un succès certain, des Chorégies d’Orange à la ville rose. La part d’inconnue résidait surtout dans le plateau et l’individualité des voix.

La grande verrière symbolisant les intérieurs permet le reflet des personnages tourmentés par leurs dilemmes, à commencer par notre Faust (Teodor Ilincăi) vieillard et mourant de la première scène, étendu du son livre-lit géant. L’arrivée de Méphisto (Alex Esposito) depuis les profondeurs symbolisées par la loge inférieure est simple mais efficace. L’église-orgue en arrière-plan est également très opérante. L’adaptation du décor au Théâtre semble tout de même complexe et entraîne des attentes, rideau baissé, entre les actes ou même entre les scènes des deux parties, et ce malgré la direction discrète mais millimétrée de Claus Peter Flor. Les lumières sont du même acabit, révélant sans laisser place au doute les manipulations rougeoyantes du Diable comme les illuminations divines et sortilèges portées sur les uns ou les autres. Simple, le rendu est très statique et spartiate, mais il a le mérite de mettre en avant la psychologie des personnages. On ne pouvait pas en attendre moins pour un Faust.

Nicolas Joel indiquait vouloir « avant tout raconter la tragédie que vit Marguerite ». Conséquence ou non, notre Faust demeure très effacé et peine à s’imposer comme premier rôle. Malgré l’importance que lui donne la partition, il adopte une voix équivalente à celle d’un Valentin (John Chest) ou d’un Wagner (Rafał Pawnuk). Le jeu et la voix profonde du Méphistophélès sont beaucoup plus porteurs et le diabolus ex machina n’hésites à ajouter de la comédie dans la tragédie. Siébel (Maite Beaumont) et Marthe (Constance Heller) ne sont pas en reste. C’est finalement bien Marguerite (Anita Hartig) qui s’impose largement sur les autres, avec une voix rayonnante et toute en puissance, sur les passages les plus anodins comme dans les plus classiques et sur mesure air du roi de Thulé, air des bijoux, et l'air final. Les scènes ultimes de son emprisonnement puis de son apothéose sont extrêmement touchantes et marquantes, si l’on excepte la morale un peu datée de l’œuvre.

Pour sa première venue sur les planches toulousaines, Anita Hartig s’y impose avec un talent certain. Le couple roumain est finalement très déséquilibré. Le public ne s’y trompera pas à l’applaudimètre, notre Faust passera presque inaperçu, Marguerite elle sera ovationnée. Une belle performance du côté du chœur du théâtre est également à noter, tant sur le chœur des soldats que sur les voix lointaines des paysans et des feux follets. Une bonne piqure de rappel pour ceux qui n’avaient pas pu assister aux premières représentations de cette production.

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