Un Faust superlatif au Théâtre du Capitole de Toulouse

Xl_faust1 © David Herrero

Créée in loco en 2009, cette production du Faust de Charles Gounod - signée par l'ancien maître des lieux Nicolas Joël (juste avant son départ pour prendre les rênes de la Grande Boutique) - se laisse résolument revoir avec plaisir. On retrouve ainsi l'impressionnante et superbe scénographie imaginée par Ezio Frigerio, notamment le grand grimoire dont le vieux Faust tourne péniblement les pages au I,  l'immense buffet d'orgue qui monte jusqu'aux cintres au III, ou le haut trône doré de Méphisto pendant la Nuit de Walpurgis. Réglée dans le moindre détail, la production de Nicolas Joël offre de nombreux moments inoubliables, comme la scène de l'église où Marguerite se retrouve comme écrasée par l'orgue précité, nimbé à ce moment précis d' éclairages rouges ou bleutés, signés par le talentueux Vinicio Cheli. Citons également la magnifique retraite aux flambeaux, pendant que résonne le fameux « Gloire immortelle de nos aïeux » au V, image d'une époustouflante beauté.

Même si l'on peut trouver scandaleux qu'une maison comme le Théâtre du Capitole n'ait pas pensé à distribuer le moindre chanteur francophone dans un ouvrage aussi emblématique du répertoire français qu'est Faust, force est de constater que la distribution vocale réunie par Frédéric Chambert fait honneur à la langue de Molière, et s'avère même des plus enthousiasmantes... à commencer par l'exceptionnelle Marguerite d'Anita Hartig. La soprano roumaine possède une voix parfaitement projetée, saine et lyrique, capable de franchir sans effort la masse orchestrale. Comme peu de chanteuses aujourd'hui, elle sait camper - tant scéniquement que vocalement - la jeune fille des actes II et III et, de façon toute aussi saisissante, la tragédienne des actes IV et V. Elle resplendit dans les vocalises de l’air des bijoux et offre une incroyable intensité dramatique dans la scène de l’église et dans le finale. Ses graves, ses aigus, ses piani comme ses forte, tout est en place et, surtout, au service d’une interprétation touchante, voire bouleversante. Anita Hartig est une grande Marguerite assurément... et, disons le sans ambage, la plus éclatante révélation lyrique féminine pour nous cette saison, aux côtés de Nadine Koutcher (resplendissante Comtesse dans Les Noces de Figaro, dans ces mêmes lieux, en avril dernier).

Alfredo hurleur à l'Opéra de Marseille il y a deux saisons, le ténor roumain Teodor Ilincai s'est enfin décidé à discipliner son instrument, et à privilégier la musique au son. Il s'avère ainsi un Faust convaincant, grâce à un timbre charmeur, une technique sûre, une diction précise et un jeu scénique probant. De son côté, la basse italienne Alex Esposito compose un Mephisto qui a de l’allure, du chic, du mordant, d’autant plus convaincant qu’il ne force jamais le trait. Il parvient ainsi à dégager son personnage de tout pompiérisme, sans rien lui ôter de sa dimension satanique. Quant à la voix, elle est toujours aussi magnifiquement timbrée, avec une diction là aussi très correcte du français. Seconde révélation de la soirée, le baryton américain John Chest offre un portrait de caractère de Valentin, avec un matériau vocal saisissant de maturité et d'assurance. Enfin, Constance Heller campe une Dame Marthe savoureuse et Maite Beaumont un Siébel musical

Dernier triomphateur de la soirée, le Chœur du Théâtre du Capitole, superbement préparé par Alfonso Caiani, qui se montre précis, ductile et parfaitement compréhensible. Enfin, la musique de Gounod, avec son mélange de faste un peu pompier et de mélodies brillantes, convient parfaitement à l’excellent chef allemand Claus Peter Flor qui – à la tête d’un Orchestre du Théâtre du Capitole rutilant - impose une lecture fiévreuse et vivante de cette merveilleuse partition, avec des moments particulièrement inspirés, comme dans la scène de la prison ou la fameuse Nuit de Walpurgis.

Le public ne s'y trompe pas et - malgré la longueur du spectacle (quatre heures) - offre une interminable ovation aux artisans de cette superbe réussite, qui clôt brillamment la saison capitoline.

Emmanuel Andrieu

Faust de Charles Gounod au Théâtre du Capitole, jusqu'au 3 juillet 2016

Crédit photographique © David Herrero

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