vendredi 19 avril 2024

Compte rendu opéra. Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 07 décembre 2016. Mozart, Don Giovanni, Stéphane Braunschweig (mise en scène), Jérémie Rhorer (direction), Le Cercle de l’Harmonie.

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Floriane Goubault
Floriane Goubault
dans l'équipe depuis le 22 octobre 2016 : premier CR publié à cette date, Philharmonie de Paris

Compte rendu opéra. Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 7 décembre 2016. Mozart, Don Giovanni, Stéphane Braunschweig (mise en scène), Jérémie Rhorer (direction), Le Cercle de l’Harmonie. C’est dans la magnifique salle du Théâtre des Champs-Élysées que Stéphane Braunschweig revient avec une mise en scène du Don Giovanni de Mozart, reprise d’un spectacle déjà créé avec succès en 2013. Jérémie Rhorer, à la tête de son orchestre : Le Cercle de l’Harmonie, est à nouveau dans la fosse pour l’accompagner dans cette production, de même que Robert Gleadow qui interprétait déjà Leporello dans la version antérieure.

 

 

DON GIOVANNI -

 

 

C’est à travers le regard du valet fidèle, spectateur privilégié et complice (un peu malgré lui) des débauches de son maître, que Stéphane Braunschweig entraîne le spectateur dans la vie tumultueuse du héros libertin. Au son de l’ouverture et de ses premiers accords inquiétants, le rideau s’ouvre sur un tableau déconcertant : un Don Giovanni gisant sur un brancard mortuaire, un Leporello accablé pleurant son maître, et des infirmières provocatrices affublées d’un masque de crâne, rodant telles les messagères de la Mort en attendant d’emporter leur proie dans les enfers. Mais pour Don Giovanni, ce n’est pas encore l’heure de rejoindre les flammes éternelles. Se redressant soudainement de sa couche, il batifole un temps avec les infirmières de la mort, avant de s’échapper par la fenêtre, tel l’amant surpris dans la chambre de sa maîtresse. Il laisse sur place un Leporello désemparé, qui entame alors le premier air de l’opéra comme si tout cela n’était finalement qu’un mauvais rêve, bien qu’étrangement prémonitoire…

Nous voilà donc transportés pour trois heures de dramma giocoso, au rythme trépidant des aventures de Don Giovanni. L’opéra est porté par un casting vocal solide dans l’ensemble, bien qu’inégal. Myrtò Papatanasiu s’empare sans peine des airs brillants dédiés à Donna Anna. Sa voix claire de soprano s’envole avec aisance dans les aigus, même si la jeune femme, peu crédible lorsqu’elle réclame vengeance, devrait sérieusement revoir son jeu de scène. De sa voix chaude et ronde, bien qu’un peu faible dans le registre grave, Julie Boulianne est très émouvante en Donna Elvira, femme amoureuse et trahie. Mais la plus convaincante est sans conteste Anna Grevelius, qui incarne une irrésistible Zerlina, pétillante et malicieuse à souhait.

 

 

 

Très convaincants Anna Grevelius (Zerlina) et Robert Gleadow en Leporello

 

don giovanni rhorer cercle de l harmonie tre paris decembre 2016Parmi les rôles masculins, Marc Scoffoni (Masetto) et Steven Humes (Le Commandeur) sont au rendez-vous : nets et justes, mais sans plus. En revanche, leur partenaire Julien Behr n’est malheureusement pas à la hauteur du rôle de Don Ottavio ce soir, en particulier dans l’air du premier acte « Dalla sua pace », où la voix du ténor montre quelques défaillances à plusieurs reprises. Dommage, car il est très touchant en fiancé désemparé, ne souhaitant que le bonheur de sa promise. De son côté, Robert Gleadow est un excellent Leporello, incarnant parfaitement celui qui apporte la touche d’humour à l’opéra, le giocoso dans le dramma. Menant toute la troupe tambour battant de sa profonde voix de basse, il est le véritable héros de la soirée, et vole la vedette au rôle-titre tenu par Jean-Sébastien Bou. Parfait sur le plan vocal, celui-ci ne parvient pas à nous emporter avec son Don Giovanni faisant pâle figure. Car tout l’intérêt du livret est l’ambiguïté apportée par le personnage : odieux et détestable par son libertinage sans foi ni loi, son incroyable pouvoir de séduction nous ensorcèle malgré tout. Les femmes tombent dans le piège de ses filets et les hommes envient secrètement une liberté et une licence qu’ils n’oseront jamais assumer (à l’instar de Leporello qui ne boude pas son plaisir lorsqu’il revêt les habits de son maître). Or, ici, point de séduction. Au lieu du jeune libertin « brûlant la chandelle par les deux bouts », Don Giovanni  s’apparente plutôt à un vieux lion sur le retour, cherchant à multiplier les conquêtes pour se convaincre qu’il n’a pas tout perdu de son charme. Bref, on ne se laisse pas séduire…

Dans la fosse, l’orchestre, sur instruments d’époque, est parfaitement en place. Malheureusement, il manque cruellement de subtilité dans l’accompagnement des chanteurs : très lourd, faible en musicalité, il se contente de jouer la partition sans y apporter la légèreté requise chez Mozart.

Enfin, la mise en scène, plutôt contemporaine de Stéphane Braunschweig, reste très sobre mais relativement efficace, avec des costumes simples et des décors minimalistes. Le système de panneaux tournant pour les changements de décors est bien pensé ; il apporte du mouvement à l’ensemble. On regrette néanmoins que la scène, où le noir et blanc domine, soit aussi sombre. Les masques de crâne et les quelques squelettes en vitrine accentuent encore un peu plus l’atmosphère angoissante, et nous rappellent que la Mort suit Don Giovanni de près. Le choix de présenter l’opéra à travers le regard de Leporello est intéressant. Cependant, tel un narrateur omniscient, sa présence presque permanente sur scène est étonnante, parfois même en contradiction avec le livret – car sa présence en continu, parfois ne fonctionne pas : là, il se cache dans un recoin ; là, il est à la fenêtre, et personne n’est surpris de le voir rôder même lorsqu’il devrait être ailleurs… Soit… à chacun de juger.

C’est donc un Don Giovanni manquant d’un soupçon de dynamisme et d’un grain de folie qui nous est présenté ce soir. Entre un héros bien fade, une mise en scène très sombre et un orchestre pesant, cette production n’est pas à la hauteur de ce qu’elle aurait pu être. Reste malgré tout certains personnages, notamment Leporello et Zerlina, qui parviennent à insuffler relief, vie et légèreté dans cet opéra… dont on attendait trop peut-être.

 

 

Compte-rendu critique, opéra. Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 7 décembre 2016. Mozart (1756-1791) : Don Giovanni. Stéphane Braunschweig (mise en scène), Jérémie Rhorer (direction), Le Cercle de l’Harmonie, Chœur de Radio France, Jean-Sébastien Bou (Don Giovanni), Myrtò Papatanasiu (Donna Anna), Julie Boulianne (Donna Elvira), Anna Grevelius (Zerlina), Robert Gleadow (Leporello), Julien Behr (Don Ottavio), Marc Scoffoni (Masetto), Steven Humes (Le Commandeur). Encore à l’affiche du TCE Théâtre des Champs Elysées à Paris, jusqu’au 15 décembre 2016.

 

 

 

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