Critique – Opéra & Classique

La Cenerentola de Gioacchino Rossini

Quand Guillaume Gallienne voit tout en noir et brouille les pistes

 La Cenerentola de Gioacchino Rossini

Pour comprendre le sens de cette Cenerentola mise en scène par Guillaume Gallienne, sociétaire star de la Comédie Française, mieux vaut lire au préalable les intentions et sous-entendus qu’il révèle dans le programme (page 57). Sans quoi on risque de passer les trois heures du spectacle à se demander pourquoi le prince Ramiro a une jambe enfermée dans une prothèse d’handicapé, pourquoi un volcan, crache flammes et fumées durant le bal offert dans le palais du prince, etc…

Rossini, on le sait, a gommé le fantastique du conte de Perrault, fée, carrosse et chausson de vair ont disparu pour laisser place au réel. Il en a fait un dramma giocoso, une histoire triste qui se termine bien. Un fond de joie qui domine dans la plupart des mises en scène proposées notamment celle de Jean-Pierre Ponnelle qui a tenu l’affiche durant plus de 40 ans. Guillaume Gallienne, riche de ses Césars, de ses Molières, de tous les succès remportés à la scène comme à l’écran, a bien évidemment voulu lui tourner le dos, et, pour cette toute première mise en scène lyrique, envoyer balader les traditions. Lectures et relectures, seconds degrés débusqués, lui ont révélé une noirceur qui, selon lui, aurait envahi les âmes des principaux personnages. Ainsi le très bouffon Don Magnifico devient un ogre bestial imbu de lui-même, Tisbé et Clorinda, les demi-sœurs de la pauvre Angelina, poussées par leur père, sont carrément transformées des pestes capables du pire, Dandini se laisse contaminer par le goût du pouvoir, Alidoro a l’allure d’un délégué de secte…

Le tout est transféré à Naples, sous les grondements du Vésuve dans les décors imaginés par Éric Ruf, actuel patron de la même Comédie Française et scénographe qui aime la face sombre des intrigues. D’où, en première partie, la façade d’une résidence en ruine, murailles ocre-rouge lézardée de fissures et, après l’entracte, le palais du prince ramené à une vaste cour, comme un espace de parking, vide de voiture. Ce n’est pas laid, c’est triste. Et carrément laids sont les costumes, les robes des sœurs et surtout l’affligeante robe verte dont est affublée Angelina/Cendrillon dans la scène du bal.

Angelina est jouée, chantée par la jeune mezzo italienne Teresa Iervolino qui fait ici ses premiers pas à l’Opéra de Paris. Son charme mélancolique, sa douceur, son timbre sensuel aux aigus charnus composent une Cendrillon émouvante. Côté voix l’ensemble de la distribution est davantage honnête qu’exceptionnelle. Le Don Magnifico de Maurizio Muraro déverse ses cascades d’humeurs et de mots d’un timbre caverneux doublé d’un jeu clownesque constamment dans l’excès, Chiara Skerath et Isabelle Druet apportent fraîcheur et finesse aux deux sœurs. Juan José De León produit un prince Ramiro d’une pudeur pâlichonne capable pourtant ici et là d’user de virtuosité et de finesse. Pour Dandini, Alessio Arduini compense ses faiblesses vocales par un jeu d’acteur trépidant faisant du personnage un filou électrisé par l’envie de briller. Unique grande voix de la soirée, la basse italienne Roberto Tagliavini doit se contenter de l’unique grand air que lui offre le personnage d’Alidoro mais il en use en continu et en beauté dans toutes ses brèves interventions.

La baguette d’Ottavio Dantone familière du répertoire baroque qu’il sait servir en beauté, est nettement moins à l’aise avec ce Rossini qu’il aborde pour la première fois. En force, sans vraies nuances, pas vraiment apte à maîtriser ses mécanismes virtuoses.

L’ensemble en fait une Cenerentola qu’on oubliera.

La Cenerentola de Gioacchino Rossini, livret de Jacopo Ferreti, orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris direction Ottavio Dantone, chef de chœur José Luis Basso, mise en scène Guillaume Gallienne, scénographie Éric Ruf, costumes Olivier Bériot, lumières Bertrand Couderc. Avec Teresa Iervolino, Juan José De León, Alessio Arduini, Roberto Tagliavini, Maurizio Muraro, Chiara Skerath, Isabelle Druet.

Palais Garnier les 10, 14, 17, 20, 23, 30 juin, 2, 6, 8, 11, 13 juillet à 19h30, le 25 juin à 14h30
08 92 89 90 90 - +33 1 71 25 24 23 – www.operadeparis.fr

Photos Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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