samedi 1 juin 2024

CRITIQUE, opéra. MONTPELLIER, Opéra-Comédie (du 20 décembre 2023 au 4 janvier 2024). OFFENBACH : La Vie parisienne. F. Obé, M. Mauillon, F. Valiquette, J. Boutillier… Christian Lacroix / Romain Dumas.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Après avoir tournée un peu partout (Opéra de Tours, Théâtre des Champs-Elysées, Opéra Royal de Wallonie…), la production de La Vie parisienne de Jacques Offenbach taillée par la couturier star Christian Lacroix termine sa course à l’Opéra de Montpellier – à l’occasion des Fêtes de fin d’année. Et le spectacle vaut le détour d’abord car c’est la version originelle qui est donnée ici à entendre, que l’on doit au Palazzetto Bru Zane (structure coproductrice du spectacle), soit près de trois heures de musique, un 5ème acte, et de nombreux numéros vocaux et orchestraux inédits.

 

Pour sa première mise en scène lyrique, et comme l’on pouvait s’y attendre, Christian Lacroix déploie de mirifiques couleurs dans les costumes et les décors. Les premiers, tour à tour drôles ou extravagants, sont la parfaite représentation de l’esprit de l’ouvrage offenbachien, tandis que les seconds, bric-à-brac savamment agencé, s’avèrent la parfaite image d’une société où faire bonne figure est la chose qui compte le plus ! Sa direction d’acteurs est également drôle et folle, sans pour autant être brouillonne, et cela tient pour beaucoup au travail de chorégraphie particulièrement prégnant de Glyslein Lefever. Last but not least, les éclairages de Bertrand Couderc ajoutent à la qualité d’ensemble, avec un jeu d’oppositions entre couleurs vives et noir et blanc très bien trouvées, comme pendant l’acte 4 avec l’apparition de Madame de Quimper-Karadec et Madame de Folle-Verdure.

Le piège de ce type d’œuvre, c’est le passage redoutable entre les parties chantées et les parties parlées, qui n’ont guère d’intérêt, même pas la parodie mythologique de La Belle Hélène, qui amuse au moins l’esprit. Très souvent, cela se paye d’une chute du rythme, d’un appesantissement du tempo général. Fort heureusement, la direction d’orchestre élégante du jeune chef français Romain Dumas, d’une grande alacrité, d’une vivacité de tous les instants, enchaîne sans faiblir cette suite brillante et sémillante de séguedilles, de valses, de « galops », et dont la battue nous épargne les lourdeurs dont on accable trop souvent la musique du petit Mozart de Champs-Elysées.

Toute la distribution, si nombreuse, serait à citer, d’une remarquable homogénéité scénique et vocale, sans oublier des chœurs (préparés par Noëlle Gény) qui jouent, au sens propre du terme, parfaitement leur partie. Trop souvent, le nombre de chanteurs étant si important pour un nombre d’airs dévolus à chacun assez réduit, l’on opte pour privilégier leurs qualités de comédien plus que de chanteur, au détriment de la musique. Certes, ici, il y a des voix qu’on appelle d’opéra, et, d’autres, plus légères, d’opérette. Mais les premiers ne jouant pas à écraser les seconds et ces derniers n’étant pas vocalement négligeables, cela crée une satisfaisante harmonie du plateau qu’il convient de souligner. Ainsi, les « paires », les couples, finalement, que font le baron et la baronne de Gondremarck (Jérôme Boutillier et Marion Grange), remarquables en jeu et voix, celui aussi formé par Bobinet (Flannan Obé) dont la voix claire et légère de la frivolité contraste avec celle de Gardefeu (Marc Mauillon), voix sombre de mondain guindé, plein d’allure avant de perdre la figure pris à son jeu.

Mais c’est naturellement le couple gantière et bottier qui est emblématique de l’œuvre : Florie Valiquette est la mutine Gantière et la très joyeuse et soyeuse veuve du Colonel par un timbre lisse, une voix souple et ductile, bien conduite. Le ténor belge Pierre Derhet est son pendant et pendard de Frick, facétieux et frustre alsacien, mais il incarne aussi les personnages de Gontran et du Brésilien, dont il débite son air fameux, danse et modernité d’époque obligent, au grand « galop », à un train d’enfer : c’est brillantissime et l’on admire ce jeune ténor qui démontre un talent comique indubitable. Métella, l’Arlésienne de l’œuvre dont on parle plus qu’elle ne chante, c’est la belle mezzo corse Eléonore Pancrazi, au timbre fruité et voluptueux. Si l’on a plaisir à l’entendre, l’on doit reconnaître que l’air de la longue lettre n’a pas une grande nécessité dramatique ni musicale. On rit à l’autre couple désassorti entre la vieille dame indigne acidulée (la Quimper-Karadec de Marie Gautrot) et la pimbêche revêche dont le timbre voluptueux avoue des désirs que sa bouche nie (la Folle-verdure de Caroline Meng). On saluera aussi la jolie Pauline d’Elena Galitskaya, et, en vrac, Louise Pingeot, Marie Kalinine et leurs comparses Philippe Estèphe et Raphaël Brémard.

Le public montpelliérain ne boude pas son plaisir au moment des saluts, et puis bonne nouvelle, un enregistrement du Palazzetto Bru Zane est annoncé prochainement !

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CRITIQUE, opéra. MONTPELLIER, Opéra-Comédie (du 20 décembre 2023 au 4 janvier 2024). OFFENBACH : La Vie parisienne. F. Obé, M. Mauillon, F. Valiquette, J. Boutillier… Christian Lacroix / Romain Dumas.

 

VIDEO : Trailer de “La Vie parisienne” dans la mise en scène de Christian Lacroix à l’Opéra de Montpellier

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