Mam’zelle Nitouche haute en couleurs à Montpellier

Xl_mg1_5836 © Marc Ginot

Après Toulon, où la production fut créée en octobre 2017, puis Angers-Nantes, et avant d’être reprise à Rouen dès vendredi, à Avignon ou encore à Lausanne cette saison, la Mam’zelle Nitouche du compositeur Hervé redécouvert par le Palazzetto Bru Zane (à qui l’on doit également le succès des Chevaliers de la Table Ronde) a fait halte ce weekend pour trois représentations à l’Opéra de Montpellier. Le spectacle commençait d’ailleurs dès le hall avec certains personnages accueillant le public à coup de chants, de jonglage plus ou moins maîtrisé et de harangue nous plongeant derechef dans l’univers du spectacle qui nous attendait.


Lara Neumann (Mam’zelle Nitouche) et Philippe Girard (le Major) ;
© Marc Ginot

Une fois dans la salle, c’est un coq qui nous accueille sur scène avant que le metteur en scène Pierre-André Weitz, grimé en clown incarnant le Régisseur de scène croisé dans le hall quelques instants plus tôt, ne frappe les coups de théâtre et ne lance la soirée quelque peu délurée. L’ouverture annonce la – ou plutôt les – couleurs : nous voyons passer sur scène plusieurs bonnes sœurs cachant sous leurs habits religieux des bas qui le sont un peu moins, des militaires fêtards, ou encore un personnage mi-soldat, mi-danseuse de théâtre, son costume étant scindé en deux tel un « Double-Face » carnavalesque. Travestissements et déguisements sont d’ailleurs la base de ce vaudeville-opérette où personne n’est ce qu’il paraît, à commencer par Célestin, organiste le jour, compositeur d’opérette répondant au nom de Floridor le soir, sorte du double du compositeur Hervé. De même avec le rôle-titre, à la fois vénérable Denise de Flavigny et Mam’zelle Nitouche. Impossible toutefois de s’y perdre pour le public, entraîné dans cette ronde amusante sans temps mort. Le mécanisme du plateau tournant en fond de scène, permettant de passer du couvent à la gare ou encore aux coulisses du théâtre, se montre ingénieux et participe grandement à la fluidité et au rythme parfois soutenu du spectacle.


Au centre, en rouge : Miss Knife alias Olivier Py (Corinne) ; © Marc Ginot

Clémentine Bourgoin (Sainte Nitouche) et Lara Neumann
(Denise/Mam’zelle Nitouche); © Marc Ginot

La mise en scène endiablée et amusante ne serait toutefois pas possible sans une distribution pleinement investie, comme c’est ici le cas. Commençons par Lara Neumann, Denise et Mamz’elle Nitouche de premier ordre, ingénue et ingénieuse, au jeu excellent dans ce registre, appuyant les traits juste ce qu’il faut sans tomber dans la caricature (de même que l’ensemble de ses compères), toujours pleine d’énergie. Elle offre non seulement dans ses gestes mais aussi dans sa prononciation une immense satisfaction, tandis que son chant se montre tout à fait agréable dans sa belle ligne de chant clair et lumineuse. Damien Bigourdan livre pour sa part un Célestin / Floridor théâtralement excellent, habitant ce personnage au double-visage et à la double-vie, mettant peut-être plus d’énergie dans son jeu que dans son chant où la voix quelque peu aigre qu’il prend dans le texte parlé ressort durant la première partie, beaucoup moins voire pas du tout dans la seconde. Toutefois, cela ne gâche en rien le spectacle où l’amusement passe finalement avant tout. Sur ce point, l’artiste remplit tout à fait son rôle, de même que Philippe Girard, Major ferme dont les dialogues avec sa sœur, la Mère Supérieure, sont toujours savoureux. Il se montre toutefois dépassé devant tout ce micmac et surtout les volontés de sa tendre maîtresse Corinne, interprétée par Miss Knife qui n’est autre qu’Olivier Py ! Une mention particulière pour ce dernier qui, sous les traits de son double féminin, incarne une chanteuse de théâtre sans gêne et particulièrement décolletée (voire plus), au tempérament de feu, mais aussi la Supérieure truculente qui aurait toute sa place dans un opus de Sister Act, communiquant au public l’amusement et le plaisir qu’il semble ressentir dans cette incarnation. Ses talents de comédiens indéniables lui permettent d’endosser un troisième rôle, celui du soldat Loriot pour qui l’engagement est loin d’être une vocation. Notons également le Vicomte Fernand de Champlâtreux à la voix légère de Samy Camps et, parmi les nombreux comprimari de talent présents, avouons que Clémentine Bourgoin est une belle Lydie à la voix claire et éthérée mais aussi une apparition de Sainte Nitouche en personne qui marque les esprits dans ce personnage inattendu, entre spirituel (d’opérette) et sensualité.

Le plaisir se retrouve également dans la fosse où l’Orchestre national Montpellier Occitanie est placé sous la baguette de Christophe Grapperon particulièrement habile dans ce registre, donnant à la partition de Hervé tout son caractère festif sans jamais nuire à la scène, entraînant lui aussi le public dans cette musique entêtante. N'oublions pas également le Choeur de l'Opéra qui joue parfaitement le jeu, se travestissant lui aussi pour accompagner les personnages principaux.

Un spectacle qui, s’il ne fait pas éclater de rire de bout en bout, n’en demeure pas moins des plus amusants et marque une parenthèse légère et colorée dans un quotidien parfois lourd et grisâtre. Une belle entrée dans le temps des Fêtes qui nous attend et que l’on pourra entendre sur France Musique le 9 décembre prochain !

Elodie Martinez

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