Opéra
Deborah Warner soude Eros et Thanatos pour une magnétique Traviata de Verdi au TCE

Deborah Warner soude Eros et Thanatos pour une magnétique Traviata de Verdi au TCE

02 December 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

La Traviata de Verdi, un des opéras les plus populaires de toute l’histoire du théâtre lyrique est renouvelé au Théâtre des Champs Elysées par les choix artistiques courageux de Déborah Warner pour la mise en scène,  et de Jérémie Rhorer pour la direction d’orchestre.

Rappelons brièvement l’histoire: Violetta femme libre contracte la tuberculose mais ne veut renoncer à sa vie licencieuse. Ces problèmes d’argent, le nécessaire maintien de la réputation de sa sœur et la maladie la condamnent à refuser l’amour d’Alfredo. Lorsque l’amour plus fort triomphe et réunit les deux amants, il est, pour la femme dévoyée et phtisique, trop tard. Le drame est un drame de l’amour sur trame d’un patriarcat attentif à l’honneur des hommes réputés domiciliés dans les comportements des femmes. Les temps ont changé et La Traviata perd aujourd’hui sous nos latitudes l’intensité de la critique sociale. Reste le drame passionnel que Déborah Warner attrape avec une magnificence  renouvelée.

L’affaire du “la”

Verdi se désolait de l’utilisation de plus en plus généralisée du la 440 Hz (ou 442 voire 445) Il milita en vain pour l’adoption de la norme du la 432. Il s’agit, selon lui, de la sauvegarde de la musique vocale et de ses interprètes. (Le lecteur pourra visionner  la conférence du baryton Piero Cappucicilli qui fait la démonstration en deux temps de cette différence entre le la 432 et le 440). Jérémie Rhorer pour cette production de la Traviata a choisi le diapason verdien à 432 Hz. L’effet est singulier et porte surtout sur les voix. C’est à peine perceptible en même temps qu’épatant. Notre impression étrange ressemble à découvrir l’œuvre pour la première fois. Retenons aussi que Jérémy Rhorer est un magnifique chef d’orchestre. La musique de Verdi et magnifiée; le chef et compositeur restitue avec son orchestre le drame et la joie, l’érotique et le macabre.

Alors que l’orchestre démarre l’ouverture, entre à jardin celle qu’on devine être Violetta.  Elle s’approche d’une  dépouille drapée sur un chariot de morgue. Cette dépouille est son double mort. Le plateau est un miroir en marbre occupé par des alignements de lits d’hôpital. Au fond une procession d’endeuillés s’est immobilisée. Violetta la vivante allume une  cigarette, traverse la rangée de lits pour passer en revue les endeuillés. Une estrade sortira ensuite du plateau pour figurer la salle du bal de la première scène, mais aussi la pierre tombale présage de l’issue. La Violetta morte sera présente à  chaque tableau dans sa blouse d’hôpital. Le motif du double est aisé comme osé et sacrément efficace. L’effet est poignant. La présente de la morte emphatise la pulsion de vie enfermée dans le jeu, la grande beauté et la voix de la lumineuse Vannina Santoni (récemment applaudie dans Màrouf puis dans  La Nonne sanglante). Ainsi, la maison de campagne de la deuxième scène se résume à un grand lit défait et des voilages tombant des cintres. Le trait de l’éros est là encore présent. L’intrication de l’Eros et du Thanatos est -c’est le génie de la metteuse en scène – renforcée par l’effet miroir, par la projection des ombres sur le fond du plateau et par l’esthétisme général du noir et blanc. L’ensemble réussi est magnifique et édifiant. Les voix sont splendides. Saimir Pirgu est un très doué Alfredo. Laurent Naouri un puissant Giorgo Germont.

Le spectacle atteint son objectif de renouveler notre plaisir.  Au tomber de rideau le public unanime applaudit à tout rompre et les bravo envahissent la salle du Théâtre des Champs Elysées.

 

La Traviata de Verdi
Jérémie Rhorer direction
Deborah Warner mise en scène

Durée du spectacle
1ère partie : 1h20 environ – Entracte : 20mn – 2e partie : 1h environ
Opéra chanté en italien, surtitré en français et en anglais

Crédit Photos Vincent Pontet

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