Il était une fois… la Cendrillon de Massenet à Angers Nantes Opéra

- Publié le 1 décembre 2018 à 10:06
Hime
Ezio Toffolutti met en scène en en images cette nouvelle production défendue par un plateau où brillent la Cendrillon de Rinat Shaham et le prince de Julie Robard-Gendre.

La Cendrillon de Massenet est un tel chef-d’œuvre, unissant sur un pied d’égalité humour, poésie et merveilleux, qu’il faut rendre grâce à Angers Nantes Opéra de l’avoir programmée. Homme-orchestre de la production (à la fois metteur en scène, décorateur, costumier et éclairagiste !), Ezio Toffolutti feuillette quatre actes durant un album de toiles peintes au charme désuet, dans lequel s’enchâsse une narration troussée de façon un rien statique, heureusement rehaussée par quelques appréciables touches de fantaisie – les tenues excentriques de ces dames, les danses qui ne se prennent pas au sérieux réglées par Ambra Senatore.

Pour l’apparition de la Fée et de sa suite, Toffolutti crée des tableaux oniriques qu’on croirait empruntés au Songe shakespearien, touchants contrepoints visuels à la musique irréelle sortie de la plume du compositeur. Si la magie du rêve éveillé opère, on est loin de l’imagination débridée dont débordait le spectacle signé naguère par Laurent Pelly (vu à Londres, Bruxelles, New York, disponible en DVD chez Erato).

Il faudrait, pour exalter les sortilèges de la partition, un orchestre à la palette un peu plus flatteuse que celle du National des Pays de la Loire. Claude Schnitzler en tire cependant le meilleur parti, alternant moments de franche animation et phases de temps suspendu.

Les motifs de réjouissance sont nombreux sur le plateau, à commencer par la Fée de Marianne Lambert, un amour de soprano léger dont le timbre fruité et la vocalise surnaturelle s’envolent vers la stratosphère avec une aisance de funambule. Même si le legato grisonne fâcheusement, François Le Roux prête à son Pandolphe un style et une diction toujours exemplaires. Avec ses registres désunis et son soutien défaillant, Rosalind Plowright a en revanche plutôt tendance à hurler qu’à chanter les méchantes répliques de Madame de la Haltière.

On ne fera pas à Rinat Shaham l’injure de la comparer à Frederica Von Stade ou Joyce DiDonato, qui ont profondément marqué le rôle-titre. Pourtant, sans briller du même éclat que ces deux astres, l’étoile du jour ne pâlit guère, ornant ses phrasés de troublantes délicatesses avec, dans la voix, juste ce qu’il faut de velours et de rondeur – un bémol toutefois pour la sculpture des mots, qui mériterait plus de limpidité. Cette Cendrillon est aimée par le Prince de Julie Robard-Gendre, mezzo plus sombre, idéalement androgyne, faisant passer dans la vibration charnelle de ses emportements un mélange de flamme et de lassitude assez irrésistible. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…

Cendrillon de Massenet. Nantes, Théâtre Graslin, le 29 novembre.

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