Pour terminer l’année en beauté, l’Opéra Royal de Wallonie a choisi de proposer aux mélomanes Le Comte Ory de Rossini, en reprenant la mise en scène signée Denis Podalydès – déjà montrée à l’Opéra Comique et à l’Opéra de Versailles il y a un an.

L’argument du livret de Scribe est assez simple : au lieu de partir aux croisades comme il était censé le faire, le Comte Ory, incorrigible séducteur, est resté en France pour s’adonner à sa vraie vocation qui est le sexe opposé. Pour parvenir à ses fins, il n’hésite pas à se faire passer pour un ermite faiseur de miracles voire, plus tard, à se travestir en bonne sœur. Avec ses compagnons costumés de même, il pénètre dans le château de la Comtesse Adèle, belle veuve déprimée qui en pince – et c’est réciproque – pour Isolier, le page du Comte. Ledit château accueille aussi un groupe d’épouses éplorées qui attendent depuis cinq ans que leurs époux reviennent des croisades (ce qu’ils feront). Placée sous le signe du quiproquo et du travestissement, l’œuvre s’achèvera par la fuite d’Ory et de ses hommes du château et – tout donne à le penser – par un happy end pour Adèle et Isolier.

Pour sa mise en scène qui allie un certain classicisme à beaucoup de subtilité et d’humour, Denis Podalydès a déplacé l’action d’un Moyen-Âge lointain vers 1830, soit l’époque de la création de l’opéra mais aussi de la conquête de l’Algérie. Cette croisade moderne est évoquée par la projection de gravures d’époque comme par les uniformes des preux chevaliers de retour de Palestine à la fin de l’œuvre.

Les décors d’Eric Ruf sont simples et efficaces : une espèce d’église et son confessionnal pour l’acte I ; le réfectoire très dépouillé du château de Formoutier à l’acte II. La célèbre scène du lit où se retrouvent Ory, Isolier et Adèle se déroulera alors sur une couche qui a tout du cénotaphe. Les costumes Restauration de Christian Lacroix sont très réussis dans les tenues masculines des aristocrates – redingotes, gilets, cannes, hauts-de-formes – ainsi que les élégantes robes des dames nobles, même si on regrette que les tenues des campagnards – vestons et pulls sombres pour les hommes, châles noirs pour les femmes – soient plutôt ternes.

Annoncée souffrante en début de représentation, Jodie Devos n’en brille pas moins dans le rôle d’Adèle avec son soprano souple et crémeux, son legato parfait et son délicat vibrato au service d’une interprétation tout en finesse. Le rôle travesti d’Isolier est dévolu à la mezzo Josè Maria Lo Monaco qui incarne avec beaucoup d’élan et de chaleur ce page amoureux d’une aristocrate, intimidé d’abord puis de plus en plus sûr de lui. En Comte Ory, le ténor Antonino Siragusa ne fait que se bonifier au cours de la représentation : un peu fruste et claironnant à l’acte I, il gagne considérablement en qualité de son comme de phrasé au cours de l’acte II. Le baryton Enrico Marabelli montre un beau sens du comique dans son grand air de l’acte II « Ah, mes amis », amusant hommage aux belles bouteilles trouvées dans les caves du château. Belles prestations d’Alexise Yerna en vertueuse Dame Ragonde, de la solide basse Laurent Kubla dans le rôle du Gouverneur et de la charmante Julie Mossay, délicieuse Alice. À la tête d’un orchestre qui fait entendre de belles choses, le chef Jordi Bernàcer sait faire preuve à la fois d’assurance et d’élégance, dosant les effets comiques sans la moindre lourdeur et abordant – comme Podalydès – la douce folie érotique de cette œuvre si française avec la légèreté qui sied.

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