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Stéphane Degout est Hamlet à l’Opéra Comique

Stéphane Degout est Hamlet à l’Opéra Comique

Bien avant les fêtes de Noël, le mélomane a beaucoup salivé. L’annonce de Stéphane Degout et Sabine Devieilhe à l’affiche d’Hamlet d’Ambroise Thomas à l’Opéra Comique a suffi à aiguiser son appétit. Que l’attente a été longue avant de pouvoir déguster ce cadeau. Déception ou régal ? Réponse…

© Vincent Pontet

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Ambroise Thomas souffre d’un défaut de considération, aujourd’hui encore. Coincé entre Berlioz et Massenet, le compositeur affiche-t-il un classicisme trop coupable ? Parmi la vingtaine d’opéras à son catalogue, seuls Mignon et Hamlet sont régulièrement redécouverts par les mélomanes enthousiastes et toujours conquis. Goethe et surtout Shakespeare offrent un terrain fertile où les artistes qui possèdent le sens du théâtre peuvent facilement se dépasser.

On ne le dira jamais assez, l’Opéra Comique est actuellement la scène lyrique qui crée l’événement avec des propositions certes plus exigeantes qu’une énième Traviata mais tellement plus passionnantes ! L’une des forces de l’institution parisienne, ce sont des distributions vocales qui frisent souvent la perfection. Ce soir de première (le 17 décembre 2018), Stéphane Degout retrouvait les habits d’Hamlet avec Sabine Devieilhe qui abordait le rôle d’Ophélie pour la toute première fois.

Les fêlures du héros exposées en très gros plans

Sans prise de risque, le triomphe serait moindre. La salle Favart ose confier ses productions à de nouveaux venus dans le domaine de l’opéra. Cyril Teste signe avec Hamlet sa première incursion dans l’art lyrique. Avec un dispositif mêlant projections vidéo, mouvements de décor et performances d’acteurs dans la salle, la prouesse technique est évidente mais parfois trop présente. Le procédé cinématographique s’avère payant lorsque les plans rapprochés montrent la douleur et le désarroi sur le visage de Degout, par exemple.

© Vincent Pontet

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En revanche, ils exposent les membres du chœur dotés de talent de comédien moins convaincant. Le metteur en scène suit fidèlement la trame dramatique shakespearienne en ciselant le jeu des acteurs. Il a à sa disposition un plateau nettement impliqué. Laurent Alvaro possède l’autorité et la présence évidente pour le rôle du Roi Claudius. Il est heureux de retrouver le baryton-basse toujours impeccable. Sa prononciation comme celle de l’ensemble des artistes est remarquable.

Annoncée souffrante, Sylvie Brunet-Grupposo (Gertrude) connaît quelques problèmes non pas en termes de voix mais de jeu. Le naturel de ses acolytes contraste avec certaines poses et des roulements d’yeux d’un autre âge. La mezzo réussit néanmoins à impressionner avec ses aigus dardés et une voix imposante.

Sabine Devieilhe en Ophélie noie son chagrin dans l’alcool

© Vincent Pontet

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Dans une salle Favart comble, les mélomanes sont venus nombreux pour assister aux débuts de la sensationnelle Sabine Devieilhe dans le rôle d’Ophélie et ils n’ont pas été déçus. Le rôle convient idéalement à ses moyens vocaux phénoménaux. Dans « A vos jeux… », il faut tout le talent de la comédienne pour incarner l’ivresse à la place de la scène de la folie attendue. Le ténor Julien Behr a montré une fatigue passagère dans Laërte. Nul doute qu’il trouvera ses marques lors des prochaines représentations pour nuancer son chant séduisant. Les seconds rôles sont parfaitement tenus par Kevin Amiel, Yoann Dubruque, Nicolas Legoux et surtout par Jérôme Varnier, particulièrement frappant dans le rôle du Spectre.

A la tête d’un Orchestre des Champs-Elysées sonore, Louis Langrée appuie la partition qu’il défend avec conviction et volontarisme. Le chœur Les éléments est toujours admirable mais plutôt en effectif réduit.

L’ensemble de l’édifice était suffisamment charpenté pour faire de ce spectacle, une très belle réussite. Grâce à la prestation inouïe de Stéphane Degout, il restera gravé dans toutes les mémoires. Le regard absent, le baryton présent sur le côté de la salle dès l’ouverture porte toute la tristesse et le drame en lui. Il est fascinant. A l’apogée de ses moyens vocaux, il fait un sort à chaque note avec cet art inespéré du chant lyrique. En explorant les tréfonds de l’âme du héros, que ce soit dans l’air « Etre ou ne pas être » désespéré ou dans « O Vin, dissipe la tristesse » exalté, l’artiste se consume sur scène.

© Vincent Pontet

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Avec la ferveur de l’ensemble des acteurs de la production, des prestations de ce niveau sont rares. Il faut courir pour réserver les dernières places disponibles à l’Opéra Comique !

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