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Arabella aux Champs: une fête straussienne

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/11/2019 -  
Richard Strauss : Arabella, opus 79
Anja Harteros (Arabella), Kurt Rydl (Le Comte Waldner), Doris Soffel (Adelaide), Hanna-Elisabeth Müller (Zdenka), Michael Volle (Mandryka), Daniel Behle (Matteo), Dean Power (Le Comte Elemer), Sean Michael Plumb (Le Comte Dominik), Callum Thorpe (Le Comte Lamoral), Sofia Fomina (Fiakermilli), Heike Grötzinger (Une diseuse de bonne aventure), Sebastian Schmid (Welko), Nikolaus Coquillat (Djura)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Bayerisches Staatsorchester, Constantin Trinks (direction)


C. Trinks


Une belle histoire d’amour dans une société décadente et corrompue. Ruinés par le jeu, les Waldner habillent leur cadette en garçon faute de pouvoir lui assurer un statut de jeune fille à marier... mettant tous leurs espoirs en leur aînée Arabella. La Vienne du Chevalier à la rose a perdu sa rutilance, la valse s’y teinte d’ombres crépusculaires, mais le salut viendra peut-être du couple Arabella-Mandryka, un des plus beaux du tandem Strauss-Hofmannsthal, le dernier aussi. La petite sœur, elle, aura provoqué une tempête en s’offrant au plus transi et au plus malheureux des soupirants d’Arabella, dont elle est follement éprise et qui croira étreindre sa bien-aimée lointaine... En 1933, d’autres ombres ont obscurci la création: à Dresde, Fritz Busch était parti, refusant de pactiser avec un diable à l’œuvre depuis quelques mois. Idéologiquement conforme et musicalement parfait, Clemens Krauss créa l’œuvre. Hofmannsthal était mort quatre ans auparavant.


On n’avait rien à craindre de la version de concert des Champs-Elysées: rodée depuis 2015, la production munichoise retrouve l’affiche du Nationaltheater dans quelques jours et certains, comme les deux sœurs et leurs parents, sont là depuis le début. Pas de décor, mais l’esprit de troupe et des chanteurs qui, devant l’orchestre, jouent pleinement le théâtre. Anja Harteros est sans doute l’Arabella d’aujourd’hui, elle en a la grâce et le frémissement, le mystère ambigu, beaucoup plus qu’une Renée Fleming hier. La voix sait s’alléger et retrouver une fraîcheur qu’elle n’a plus naturellement, se couler, surtout, par une maîtrise absolue du souffle, dans la longue phrase straussienne ou, au contraire, creuser les mots de la conversation en musique. Le Mandryka de Michael Volle est l’idéal partenaire: certes la voix, élimée et raccourcie, était plus glorieuse à Bastille en 2012, mais le chant reste suprême, pour les éclats de colère du hobereau sanguin, où la ligne jamais ne se dévoie, pour les élans de tendresse de la belle âme, qu’il phrase en Liedersänger. Hanna-Elisabeth Müller, belle voix à l’aigu rayonnant, charnue jusqu’au grave, séduit aussi beaucoup en Zdenka. Les parents, selon l’usage – pas forcément heureux, sont dévolus à des chanteurs en fin de course; si cependant Doris Soffel assure comme elle peut, Kurt Rydl brûle les planches avec son Waldner, imposant un personnage, une gueule. Les autres composent une distribution de belle tenue, mais seule en émerge vraiment la Fiakermilli à la colorature insolente de Sofia Fomina, la tessiture tendue de Matteo mettant à la peine Daniel Behle.


On avait découvert Constantin Trinks en 2010, lors d’une reprise de La Fiancée vendue à Garnier. Quel beau chemin parcouru depuis... Un peu hésitant pour conduire la conversation en musique du début, il s’affirme ensuite très vite, par son sens du théâtre, sa clarté virtuose, ses couleurs franches, une souplesse qui ne s’alanguit jamais en viennoiserie rose bonbon.



Didier van Moere

 

 

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