Roberta Mantegna, native de la capitale sicilienne où elle fit ses études au Conservatoire… Bellini, domine le plateau vocal de façon spectaculaire. Elle respire le bel canto, d’une voix moirée, ferme et éclatante, aigus dardés et graves sûrs, avec la grâce de ceux qui maîtrisent les vocalises et habitent les personnages de façon naturelle. Une intuition venue du fond de l’être, sur une technique irréprochable et une puissance d’émission totalement dominée.
Dès son apparition («Sorgete…») et jusqu’au fameux air final («Col sorriso d’innocenza…»), la soprano impose sa passion avec finesse et autorité, en relation étroite avec Daniele Callegari. Le chef milanais, efficace et attentif à l’allure et à la respiration des chanteurs, tient serré l’Orchestra Filarmonica Marchigiana. Cette formation italienne, aux sonorités peu colorées et à l’ensemble parfois désuni, se révèle souple dans les méandres versatiles de la partition.
Suraigus exposés
L’autre rôle risqué de l’ouvrage est tenu par un ténor qui se produit lui aussi pour la première fois sur la scène de Neuve. L’Américain Michael Spyres possède un timbre et une qualité de voix dignes des grands. Et il résiste avec vaillance aux exigences d’un rôle écartelé entre des suraigus exposés et une variété sans pitié de registres et d’expressions. On regrettera un certain manque de sensibilité, de musicalité et d’imaginaire théâtral, qui appauvrissent les richesses de l’héroïque Gualtiero.
Avec l’Itulbo droit et clair de Kim Hun, l’Adele discrète d’Alexandra Dobos-Rodriguez, l’Ernesto arrogant de Franco Vassallo et le noble Goffredo de Roberto Scandiuzzi, le reste de la distribution s’équilibre autour du Chœur du Grand Théâtre, dense et aux lignes bien dessinées. Une belle mise une valeur du trop rare Pirata, qui ne souffre pas d’absence de mise en scène. C’est dire sa force musicale.