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A Modène, un Serse de Haendel plein de surprises

A Modène, un Serse de Haendel plein de surprises

Les pérégrinations du mélomane lui réservent souvent de belles surprises. Au Teatro Comunale Luciano Pavarotti de Modène, il tombe forcément sur la statue du célèbre ténor (l’enfant du pays) mais aussi sur un opéra baroque de grande qualité. Compte-rendu…

© Alfredo Anceschi

© Alfredo Anceschi

Serse est l’un des opéras les plus connus de Haendel grâce au célèbrissime aria « Ombra mai fù » mais paradoxalement, les institutions lyriques ne le proposent que très rarement à l’affiche. À l’initiative des théâtres de Piacenza, de Reggio Emilia (pour la création), de Ravenna Manifestazioni et du Teatro Comunale di Modena où la première représentation a eu lieu le dimanche 7 avril 2019, une nouvelle production a été confiée au dramaturge Gabriele Vacis. La distribution presque exclusivement italienne et la direction du célèbre chef baroque Ottavio Dantone à la tête de son Accademia Bizantina ont toutefois constitué le véritable attrait de ce spectacle hautement plaisant.

En scindant le plateau en deux parties et en multipliant ainsi les différents axes de vue, le metteur en scène séduit dans un premier temps avec de jolies images (comme ces deux danseurs qui se toisent pour signifier la rivalité de Serse et de son frère Arsamene). L’intrigue posée, les tableaux trop nombreux finissent par court-circuiter le jeu des artistes qui se suffirait à lui-même. Gabriele Vacis réussit néanmoins à caractériser chaque personnage et à relever la gageure en rendant compréhensible l’intrigue aux multiples marivaudages, trahisons, jalousies, etc.

De l’allure, du panache et des vocalises

© Alfredo Anceschi

© Alfredo Anceschi

Le metteur en scène dispose d’un plateau de chanteurs-acteurs convaincus comme l’inénarrable Biagio Pizzuti qui s’impose dans ses deux petites scènes avec allure et un instrument vocal puissant. Comme lui, la basse Luigi De Donato qui incarne le rôle du père possède une voix souveraine qui conquiert en quelques phrases grâce à une ligne de chant haendélienne de la meilleure école. La soprano Francesca Aspromonte n’a aucun mal à habiter le rôle plus conséquent d’Atalanta. Elle dessine avec pertinence un personnage gentiment mutin. Avec un timbre corsé, son chant agréablement nuancé est conduit avec intelligence et facilité. La vocalise étant le nerf de la guerre du compositeur saxon, il est heureux de trouver Delphine Galou dans le rôle virtuose d’Amastre. Bien armée, la contralto française se joue de la partition avec gourmandise.

Sans toutefois démériter, la mezzo Marina De Liso n’a pas le même panache dans le rôle travesti d’Arsamene l’amoureux torturé qui réclame une personnalité et une voix plus affirmées. Monica Piccinini dans le rôle de la convoitée Romilda est sans doute le point faible d’une distribution homogène et enthousiasmante. Dès le premier air attaqué sans vibrato s’est installé comme un malaise. Dans ce rôle central même s’il n’existe évidemment aucun enregistrement de la créatrice Elisabeth Duparc, l’on attend plus de rondeur et une vocalité plus épanouie. Seuls les plus aguerris auront remarqué une conduite pas toujours très précise même si l’artiste a été portée par l’ensemble.

Une révélation dans le rôle de Serse

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Ottavio Dantone a le grand mérite d’offrir un tapis de velours à ses chanteurs, tous remarquablement intelligibles. Il reste très attentif et parfois même discret, notamment dans ce fameux « Ombra mai fù » tendrement élégiaque. L’Accademia Bizantina sonne magnifiquement avec des attaques franches, notamment dans les airs de bravoure où la direction du chef donne la couleur et le théâtre adéquat. Puisque fort heureusement la mode barbare des castrats est passée, Dantone en musicologue averti a opté pour une voix de soprano pour incarner le rôle-titre (créé en 1738 par le célèbre Caffarelli, rival de Farinelli). Avec Arianna Vendittelli, il a trouvé l’interprète idéale. Son chant certes moins spectaculaire qu’un contre-ténor comme Franco Fagioli est un exemple de belcanto. Le timbre est superbe, les graves sont profonds sans tonitruances, les aigus éclatants et la vocalise impeccable. Dotée d’une très belle prestance d’actrice, Arianna Vendittelli est la révélation du spectacle.

Pourtant plus habitués au répertoire verdien, les spectateurs du somptueux Teatro Comunale Luciano Pavarotti (dont la légendaire soprano Raina Kabaivanska présente dans la salle) ont accueillis les artistes de cette production avec chaleur et sous des bravi fournis.

Après les représentations italiennes, les Français auront la chance de pouvoir applaudir Arianna Vendittelli, Delphine Galou et une distribution renouvelée sous la direction éclairée d’Ottavio Dantone dans le cadre du parfait et somptueux Festival International d’Opéra Baroque de Beaune (le 19 juillet 2019, Cour des Hospices de Beaune).

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