About us / Contact

The Classical Music Network

Stuttgart

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un Prince de Hombourg politique

Stuttgart
Staatsoper
03/17/2019 -  et 20, 22, 29 mars, 6* avril, 4 mai 2019
Hans Werner Henze: Der Prinz von Homburg
Stefan Margita (Prince-électeur), Helene Schneiderman (L’Electrice), Vera-Lotte Böcker/Vida Mikneviciūtė* & Anika Rutkofsky* (Princesse Natalie), Robin Adams (Prince de Hombourg), Moritz Kallenberg (Comte Hohenzollern), Michael Ebbecke (Maréchal Dörfling), Friedemann Röhlig (Colonel Kottwitz), Johannes Kammler (Gardien), Mingjie Lei, Pawel Konik, Michael Nagl (Officiers), Catriona Smith, Anna Werle, Stine Marie Fischer (Dames de la cour)
Staatsorchester Stuttgart, Cornelius Meister/Thomas Guggeis* (direction musicale)
Stephan Kimmig (mise en scène), Katja Hass (décors), Anja Rabes (costumes), Reinhard Traub (lumières), Rebecca Riedel (vidéo), Miron Hakenbeck (dramaturgie)


(© Wolf Silveri)


«Franchement, les productions de Henze par exemple ne sont pas des opéras modernes. Cela me fait penser au garçon-coiffeur faisant l’éloge d’un modernisme totalement superficiel. Le Prince de Hombourg n’est qu’une malheureuse copie de Don Carlos de Verdi, pour ne pas mentionner les autres opéras qu’il a composés. Henze est comme De Gaulle, il peut faire n’importe quoi, il se croit toujours le meilleur.» Ainsi s’exprimait un Pierre Boulez toutes griffes dehors dans le magazine Der Spiegel de septembre 1967. Le goût de la polémique propre au compositeur du Marteau sans maître s’y doublait d’une regrettable injustice: Hans Werner Henze (1926-2012) tenait certes à inscrire Le Prince de Hombourg (1960) dans le genre (alors tabou des avant-gardes) de l’opéra, mais sans chercher à se faire l’épigone de qui que ce soit. Opération consistant bien moins à répudier le passé qu’à lui faire rendre fruits nouveaux. Dédiée à Igor Stravinsky, l’œuvre s’appuie sur l’excellent livret que la poétesse et amie Ingeborg Bachmann concocta d’après le chef-d’œuvre de Kleist. Au resserrement des personnages par rapport à l’original répond l’allégement de l’orchestration opéré en 1992 par le compositeur, version à laquelle eut recours le seul enregistrent disponible en DVD (mise en scène de Nikolaus Lehnhoff, direction musicale de Wolfgang Sawallisch): c’est la version choisie pour cette nouvelle production donnée à l’Opéra de Stuttgart.


Stephan Kimmig a bien perçu la teneur métaphorique de la rigueur militaire prussienne; l’essentiel est ailleurs: dans la structure coercitive qui s’exerce sur les individus. D’où une lecture qui écarte la couleur locale au profit de la prise de conscience politique: celle de Hombourg, des officiers et des courtisans arborant tee-shirt et fanions frappés des devises «Freiheit» ou «Frieden» avant que ne tombe le rideau. Pour choquantes qu’elles puissent paraître, les libertés prises avec les didascalies ne favorisent-t-elles pas ce basculement subreptice entre rêve et réalité autour duquel gravite toute l’intrigue? On regrettera juste une certaine complaisance dans le gore, notre metteur en scène n’ayant pas résisté au contraste provoqué par la blancheur immaculée du décor (un gymnase? une usine désaffectée?) et le rouge avec lequel se barbouillent les officiers lors de la bataille. On préfère les ambiances plus suggestives, comme la cage de verre où le prince, enfermé, se livre à ses monologues hallucinés.


D’autant que Robin Adams leur insuffle une intensité électrique, fort de sa belle et puissante voix de baryton à l’aise dans tous les registres. Face à lui, le vétéran Stefan Margita, en dépit d’une direction d’acteurs qui vise à le ridiculiser, campe un Prince-électeur d’une grande subtilité, entre ténor et ténor de caractère. Souffrante, Vera-Lotte Böcker s’est vue remplacée à la dernière minute par Mikneviciūtė (chantant du côté gauche de la scène derrière un pupitre) tandis qu’Anika Rutkofsky, de l’équipe de mise en scène, doublait son rôle sur scène. Incarnation plus que méritante étant données les circonstances, même si difficile à évaluer. Elle est chaperonnée par Helene Schneiderman, excellente en Electrice drapée dans ses prérogatives. Comprimari à l’avenant, avec une mention spéciale au Hohenzollern stylé du ténor Moritz Kallenberg. Si la direction sanguine du jeune Thomas Guggeis (assistant du directeur musical maison Cornelius Meister) a parfois tendance à forcer les dynamiques, elle vient à bout des difficiles ensembles et sait imprimer à la partition son tactus dramatique. Une partition d’un compositeur majeur, hélas scandaleusement ignoré de notre côté du Rhin.



Jérémie Bigorie

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com