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Gentillette Cendrillon à l’Opéra de Saint-Étienne

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Saint-Étienne. Opéra. 05-05-2019. Nicolas Isouard (1773-1818) : Cendrillon, opéra-comique en 3 actes sur un livret de Charles-Guillaume Etienne d’après le conte « Cendrillon » de Charles Perrault. Mise en scène : Marc Paquien. Décors : Emmanuel Clolus. Costumes : Claire Risterucci. Maquillages et coiffures : Nathy Polak. Lumières : Dominique Bruguière. Avec : Anaïs Constans, Cendrillon ; Jeanne Crousaud, Clorinde ; Mercedes Arcuri, Tisbé ; Riccardo Romeo, Le Prince Ramir ; Jérôme Boutillier, Le Précepteur Alidor ; Christophe Vandevelde, L’écuyer Dandini ; Jean-Paul Muel, Le Baron de Montefiascone. Académie d’orchestre du Conservatoire à rayonnement régional de Saint-Etienne et du Conservatoire à rayonnement départemental du Puy-en-Velay, Solistes de l’Orchestre symphonique Saint-Étienne Loire, direction : Julien Chauvin

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Après le Dante de Benjamin Godard, voilà une autre idée étonnante à Saint-Étienne avec cette fois-ci le Palazzetto Bru Zane impliqué pleinement dans cette Cendrillon de Nicolas Isouard.

Cendrillon_4La redécouverte d'un répertoire lyrique national oublié est souvent possible scéniquement grâce à un nom ou une histoire déjà connue du grand public, car c'est l'assurance pour une nouvelle production d'un taux de remplissage viable et la possibilité d'une tournée dans l'hexagone – et au-delà. Cendrillon fait partie de notre patrimoine collectif autant à l'opéra grâce à Rossini, autant en littérature grâce à Perrault, qu'au septième art avec Walt Disney. C'est donc naturellement que cette Cendrillon de Nicolas Isouard produite par la maison stéphanoise et le Centre de musique romantique française voyagera à Paris, à Caen et Massy après ces deux représentations à Saint-Étienne.

Mais même si pour des raisons économiques, l'on ne s'offusquera pas d'un remaniement d'une pièce lyrique –  le travail présenté par exemple par le Palazzetto Bru Zane pour Phèdre rendant toute son autorité à l'efficacité musicale et dramatique de l'ouvrage de Jean-Baptiste Lemoyne – les choix opérés dans cette Cendrillon sont des plus discutables. Peut-être aussi parce que la musique de Nicolas Isouard, pourtant l'un des principaux compositeurs des créations à l'Opéra-Comique entre la fin du XVIIIe jusqu'au vingt premières années du XIXe siècle, déploie un langage assez pauvre sans véritable reliefs ni tensions, et cela même dans la version réorchestrée de 1845 par Adolphe Adam. « Extrêmement charmant » comme le qualifie le musicologue une heure avant lors de la présentation du spectacle dans la grande salle de l'Opéra ? Gentillet au mieux… Le véritable intérêt de cette partition reste dans le traitement mélodique de certains personnages plutôt innovant pour la période (1810), les sœurs de l'héroïne déployant une virtuosité déroutante dans le cadre d'un opéra-comique, comme des exigences vocales typiques du belcanto italien.

L'approche des personnages interpelle également : tous les solistes sont sur un même pied d'égalité, voire même font de l'ombre au rôle-titre, à l'image des méchantes sœurs Clorinde et Tisbé, superficielles mais affirmant toute leur humanité, alors que le chant de Cendrillon reste assez terne tant sa simplicité est notable, le compositeur cherchant à l'opposer à la vanité du reste de sa famille.

Cette production choisit ici de se tourner vers la jeunesse par deux démarches principales : faire en sorte que le spectacle ne dure qu'une heure trente pour le destiner aux familles, et intégrer en fosse pour moitié des « apprentis musiciens » de l'Académie d'orchestre du CRR de Saint-Etienne et du CRD du Puy-en-Velay. Une réussite pour cette dernière approche, obtenant un ensemble tout à fait honorable, charmant en effet et surtout ingénieux tant les formes simples et les répétitions de cette musique facilitent ce rare exercice à l'Opéra. Mais par des coupes bien trop prononcées avec le chœur qui en pâtit lourdement puisqu'il est supprimé sans aucune complaisance, l'ouvrage en devient bien trop schématique et son équilibre comme sa force musicale faiblissent sans que les mélodies et l'orchestre d'Isouard ne sachent combler ce manque.

Cendrillon_3
Sur le plateau, le décor unique était bien prometteur, la structure pouvant faire penser aux ombres chinoises. Le jeu de lumières de ne saura pas l'exploiter choisissant une pénombre constante, alors que le plateau tournant est astucieux sans être original. Une féerie fine, simple et subtile, élégante en somme, aurait pu venir simplement de cette forêt enchanteresse au lieu de cette magie de pacotille proposée par , la citrouille volante, le balai vivant et la canne qui apparait sous des confettis faisant rire bien plus qu'émerveiller. Mais le plus déroutant reste cette direction d'acteurs grossière que les costumes de soulignent bien maladroitement en se voulant comiques. L'outrance semble de bon ton, entre un baron de Montefiascone (le comédien Jean-Paul Muel) vociférant sans un brin de mesure, et la basse caricature de l'écuyer Dandini (le comédien Christophe Vandevelde).

défend une Cendrillon bien fade, autant musicalement que scéniquement, alors que l'artiste démontre des intentions justes et à propos. , bien scolaire, et particulièrement lors des moments parlés, n'a pas l'envergure d'un prince qu'ici on oublie bien vite hormis cette perruque orange ridicule sur sa tête. Seul le talent de (Clorinde) et de (Tisbé) arrive à s'extraire de ce méandre ridicule, déployant avec une belle agilité et souplesse une partition riche de virtuosité que la luminosité et la solidité de ces deux sopranos défendent avec bravoure et facétie. , rencontré dans la précédente production stéphanoise, affirme une prestance et un charisme évident dans son rôle de précepteur. Le baryton détient toute l'autorité vocale et une majestuosité sans pareil pour qu'in fine, ce soit lui qui insuffle un peu de magie à ce spectacle.

Crédits photographiques : © Cyril Cauvet / Opéra de Saint-Étienne

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Saint-Étienne. Opéra. 05-05-2019. Nicolas Isouard (1773-1818) : Cendrillon, opéra-comique en 3 actes sur un livret de Charles-Guillaume Etienne d’après le conte « Cendrillon » de Charles Perrault. Mise en scène : Marc Paquien. Décors : Emmanuel Clolus. Costumes : Claire Risterucci. Maquillages et coiffures : Nathy Polak. Lumières : Dominique Bruguière. Avec : Anaïs Constans, Cendrillon ; Jeanne Crousaud, Clorinde ; Mercedes Arcuri, Tisbé ; Riccardo Romeo, Le Prince Ramir ; Jérôme Boutillier, Le Précepteur Alidor ; Christophe Vandevelde, L’écuyer Dandini ; Jean-Paul Muel, Le Baron de Montefiascone. Académie d’orchestre du Conservatoire à rayonnement régional de Saint-Etienne et du Conservatoire à rayonnement départemental du Puy-en-Velay, Solistes de l’Orchestre symphonique Saint-Étienne Loire, direction : Julien Chauvin

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