Le fier Vaisseau fantôme d’Angers Nantes Opéra

- Publié le 24 mai 2019 à 17:43
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Après Tristan et Isolde à Bruxelles et La Walkyrie à Bordeaux, c'est en Bretagne et en Pays de la Loire que Wagner est fêté ce printemps. Avec un Vaisseau fantôme parti de Rennes, qui fait escale à Angers avant d'accoster à Nantes.

Sur un plateau inondé, des cadavres partent à la dérive, sans doute ceux des femmes damnées du Hollandais. L’eau sera le principal élément du spectacle de Rebecca et Beverly Blankenship, à la fois sombre substance matricielle, matière vivante formant d’éclaboussantes tempêtes lors des déplacements du chœur, mais aussi miroir des âmes tourmentées des protagonistes.

L’eau et les nuages, qui ont tout envahi au II, et d’où le Hollandais surgit pout paraître devant Senta. L’eau et le feu, au III, où une vasque embrasée jette ses reflets infernaux sur les flots. A ces images qui impriment durablement la rétine, les sœurs Blankenship ajoutent un art de la direction d’acteurs mobile qui traduit avec la force de l’évidence les névroses des personnages. Du théâtre lyrique comme on l’aime, qui ne la ramène pas avec quelque concepts dramaturgique tordu mais apporte un contrepoint intelligent et sensible aux mouvements du texte et de la musique.

Dans la petite fosse du Grand-Théâtre d’Angers, moins d’une cinquantaine de musiciens de l’Orchestre symphonique de Bretagne ont pris place. Si cette texture sonore manque un rien d’ampleur, si sa couleur d’ensemble est parfois un peu terne, Rudolf Piehlmayer l’anime de bienfaisantes bourrasques, sans esquiver la force cataclysmique des scènes finales. Mais fatalement, ce Wagner-là lorgne davantage vers Weber que vers Richard Strauss – ce qui n’est certes pas un contresens.

Cela tient aussi à certains choix de distribution. Martina Welschenbach pourrait être une Agathe du Freischütz, sûrement pas une Sieglinde, offrant un soprano étonnamment léger à sa Senta, avec une chair du timbre presque adolescente, une lumière dans l’aigu délectable ; dans la ballade hélas ! le déficit de grave et de volume est patent. Alentour, personne ne démérite, ni Samuel Sakker ni Patrick Simper – mais on a entendu des Erik au lyrisme plus séduisant, et il manque au second les graves rondeurs des plus illustres Daland.

On retrouve une vieille connaissance en Mary : Doris Lamprecht, bon pied bon œil et toujours un abattage aussi vaste que l’océan. Outre l’excellent Pilote de Yu Shao, c’est comme il se doit Almas Svilpa qui domine ; drapé dans une authentique stature de baryton dramatique, distillant au gré de souples phrasés les sortilèges d’une diction à la fois hautaine et tourmentée, ce Hollandais n’a pas volé sa rédemption.

Le Vaisseau fantôme de Wagner. Angers, le 23 mai.

Prochaines représentations : Angers, le 25 mai ; Nantes, du 5 au 13 juin.

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