Aix 2019 : une « Tosca » compliquée mais fascinante
Mise en abyme plutôt que représentation, la mise en scène de Christophe Honoré questionne le mythe de la diva à partir de l'opéra de Puccini. Un dispositif très élaboré et un plateau réglé au millimètre assurent un spectacle mémorable.
Avertissons d'emblée le néophyte : mieux vaut réviser son Puccini avant d'aller découvrir la « Tosca » de Christophe Honoré. Les réfractaires argueront qu'on n'assiste pas à une représentation de l'opéra mais à une variation sur le mythe de la diva d'après « Tosca ». La scène s'ouvre sur un immense salon dans lequel résonne le célèbre air « Vissi d'arte ». Dans un coin, une dame écoute, l'air mélancolique. On comprend qu'il s'agit d'une ancienne cantatrice célèbre qui a triomphé dans ce rôle. L'idée forte est de l'avoir confié à la soprano Catherine Malfitano, qui participa en 1992 à une fameuse production filmée avec Placido Domingo et Ruggero Raimondi.
Arrive chez cette artiste, une équipe de chanteurs qui viennent répéter « Tosca » et profiter de son expérience. Les trois actes suivent ce même procédé de mise en abyme, de théâtre dans le théâtre, certes pas nouveau, mais utilisé avec une pénétrante intelligence et beaucoup de sensibilité par Christophe Honoré. Le travail de préparation se poursuit au deuxième acte, dans un autre environnement domestique et au troisième par le concert, avec la présence de l'orchestre sur scène et non plus dans la fosse.
Finement pensé, réglé, réalisé, maîtrisé, ce spectacle balaie vite les réticences et on se laisse emporter par l'émotion. Celle qui naît de la transmission de l'art puisque dans ce spectacle singulier, se côtoient deux interprètes du rôle-titre : la diva qui a quitté la scène et la jeune qui y fait ses premiers pas. Emotion aussi suscitée par un hommage aux générations passées par une utilisation originale de la vidéo, qui fait défiler des images d'archives lyriques mais qui sait aussi filmer le présent, comme un contrepoint enrichissant le récit principal.
La présence d'Angel Blue
On a pu craindre que la soprano américaine Angel Blue soit un peu sous-dimensionnée pour un rôle aussi intense, malgré une voix séduisante, épanouie et lumineuse. Mais elle impose progressivement une présence et une ardeur manifestes. Le Mario Cavaradossi, son fiancé, de Joseph Calleja n'a certes pas la voix de ténor la plus solaire, les aigus les plus ouverts, mais son style est impeccable et son jeu d'acteur exemplaire. Quant à Scarpia, l'odieux chef de la police, il trouve en Alexey Markov un chanteur certes puissant, mais prosaïque, claironnant sa médiocrité humaine.
Dans la fosse, puis sur scène, Daniele Rustioni et l'Orchestre de l'opéra national de Lyon font des merveilles. Le chef donne autant l'impulsion qu'il suit les chanteurs à la note près, soufflant sur les braises du drame, sans jamais risquer l'incendie de la grandiloquence. Pupitres bien en place, couleurs diaprées, nuances subtilement dosées, les instrumentistes participent activement à cette éblouissante réussite.
Tosca
De Giacomo PucciniDir. Daniele Rustioni. M.S. Christophe Honoré. Festival d'Aix, théâtre de l'Archevêché, jusqu'au 22 juillet. 3h30.
Philippe Venturini