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Sans l’ombre d’un doute

Verbier
Salle des Combins
07/22/2019 -  
Richard Strauss : Die Frau ohne Schatten, opus 65
Gerhard Siegel (Der Kaiser), Emily Magee (Die Kaiserin), Evelyn Herlitzius (Die Amme), Bogdan Baciu (Der Geisterbote), John Lundgren (Barak), Miina-Liisa Värelä (Die Färberin), Thomas Ebenstein (Der Bucklige), Milan Silijanov (Der Einarmige), Julien Van Mellaerts (Der Einäugige)
Chanteurs de l’Atelier Lyrique de la Verbier Festival Academy, Verbier Festival Orchestra, Valery Gergiev (direction musicale)


(© Diane Deschenaux)


Mais comment diable fait-il ? Valery Gergiev vient de diriger au Festival de Verbier La Femme sans ombre de Richard Strauss en version de concert. Quatre jours plus tôt, il avait ouvert l’édition 2019 de la prestigieuse manifestation avec le Second Concerto pour violon de Bartók et la Cinquième Symphonie de Chostakovitch. Ce soir 25 juillet, il donnera le coup d’envoi du Festival de Bayreuth avec Tannhäuser, avant de s’attaquer à Simon Boccanegra à Salzbourg à la mi-août, sans même parler de ses nombreuses apparitions à Saint-Pétersbourg, dans le cadre du Festival des Nuits blanches. Un tel agenda en ferait plier plus d’un, mais Valery Gergiev, lui, résiste, même s’il a donné des signes de fatigue à Verbier. A-t-il le don d’ubiquité ? Dort-il très peu ? Se déplace-t-il en jet privé ? N’est-il sur le podium que pour les toutes dernières répétitions, laissant à des assistants le soin de préparer les musiciens ? Un peu de tout cela peut-être. Qui plus est, à Verbier le maestro a dû passer beaucoup de temps au téléphone, contraint de chercher in extremis des remplaçants pour trois des chanteurs principaux initialement prévus, lesquels ont déclaré forfait quelques jours seulement avant la représentation de Die Frau ohne Schatten. Il aura fallu non seulement toute la force de persuasion du tsar de la direction mais aussi le carnet d’adresses bien fourni de Martin Engstroem, directeur du festival, pour dénicher des interprètes capables de prendre le relais au pied levé, d’autant que l’opéra n’est pas précisément l’un des plus joués.


L’unique représentation concertante de Die Frau ohne Schatten restera sans l’ombre d’un doute comme le point fort de l’édition 2019 du Festival de Verbier, qui s’achèvera le 3 août. Valery Gergiev a galvanisé les jeunes musiciens venus du monde entier qui forment l’Orchestre du Festival, dont il est le directeur musical. Il a pris la partition de Richard Strauss à bras-le-corps pour en offrir une lecture claire et transparente, sans pesanteur – même dans les passages, nombreux, de fureur –, mais aussi rutilante et flamboyante. Sans jamais couvrir les chanteurs, il a clairement privilégié la beauté du son au détriment des passages plus sombres de l’œuvre et de ses profondeurs psychologiques. Quoi qu’il en soit, le résultat est remarquable. Tout aussi admirable a été l’aplomb des musiciens solistes, à commencer par la très jeune premier violon et par sa collègue violoncelliste.


Malgré le forfait de Nina Stemme, dont la Teinturière avait enflammé l’Opéra de Vienne il y a deux mois, pour le centième anniversaire de la création mondiale de l’ouvrage, la distribution vocale a tutoyé les sommets. Grâce en premier lieu au superbe Barak de John Lundgren, confondant de générosité et d’humanité. Evelyn Herlitzius a, elle aussi, ébloui le public. La chanteuse est toujours très investie dans ses rôles, et sa Nourrice n’a pas fait exception à la règle, avec son regard halluciné de personnage véhément et démoniaque, qui a fait oublier quelques stridences dans la voix. Coutumière du rôle, Emily Magee s’est révélée une Impératrice touchante, notamment dans le dernier acte, malgré un manque de rayonnement. Si elle n’a pas pu faire totalement oublier la défection de Nina Stemme, Miina-Liisa Värelä a été l’excellente surprise de la soirée, campant une Teinturière indécise, hésitant entre méchanceté et arrogance, mais en fin de compte émouvante et humaine, et aussi très expressive par les regards enflammés qu’elle n’a cessé de jeter sur son pauvre mari. Le seul véritable point faible de cette distribution de haut vol aura été l’Empereur de Gerhard Siegel, constamment fâché avec la justesse, même s’il faut bien dire que le rôle est impossible. Les personnages secondaires se sont illustrés eux aussi, à commencer par le Messager bien chantant de Bogdan Baciu. A la fin de la soirée, le public s’est levé comme un seul homme pour ovationner tous les artistes. A n’en pas douter, l’opéra réussit au Festival de Verbier !



Claudio Poloni

 

 

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