Carmen au Crazy Horse à Macerata

Xl_teatro.it-carmen-sferisterio-2019-08 © Zanconi

Troisième et dernier titre de l’édition 2019 du Festival de Macerata, l’incontournable Carmen de Georges Bizet, dont nous n’aurons pas vu moins de cinq productions au cours de l’été, entre les mois de juin et d’août, une dernière étant à suivre - au festival Menuhin de Gstaad - avec Gaëlle Arquez dans le rôle de la cigarière. Mais de cigarière et autre espagnolade, nulle trace ici, car Jacopo Spirei - à qui a été confié la mise en scène - transpose l’action dans un cabaret style Crazy Horse, comme l’avait déjà fait, il y a quelques années, Olivier Py à l’Opéra de Lyon. La scénographie imaginée par Mauro Tinti plante le décor avec son immense jambe de femme se terminant par un vertigineux talon aiguille, sur lequel des danseurs exécutent des numéros de danse verticale. En contrebas, une armada de meneuses de revue se livrent à toutes sortes de numéros aguicheurs, dont des pole dance le long de longs poteaux surmontés de lèvres pulpeuses et colorées (photo). C’est un flot ininterrompu de paillettes, de perruques, de vêtements excentriques (également conçus par Tinti, avec le concours des Jeux du Marquis pour les chaussures), et de numéros endiablés (réglés par le chorégraphe Johnny Autin) qui émaillent une soirée où l’on ne s’ennuie certes pas ! Carmen apparaît pour la première fois en frac de la même façon que Marlène Dietrich dans L’Ange bleu, tandis qu’Escamillo fait sa première apparition en loubard de banlieue avant de finir en Rock star alla Elvis Presley, dont il endosse le costume à paillettes réfléchissantes. Si ce n’est quelques décalages avec le texte, avouons que la relecture fonctionne bien, et a en tout cas recueilli l’approbation d’un public conquis et enthousiaste.

La mezzo américaine Irene Roberts s’investit avec talent dans son personnage de crazy girl, et n’a pas peur de se présenter devant le public en dessous sexy et porte-jarretelles. Vocalement, ses accents sombres et graves, alliés à beaucoup de séduction et de sensualité, font leur effet, et elle se taille un beau succès personnel au moment des saluts. Malheureusement, le Don José de son compatriote Matthew Ryan Vickers ne brille que par sa puissance vocale et sa crédibilité physique. Pour le reste, il offre un chant bien fruste, qui ne s’embarrasse guère de nuances, avec de surcroit un timbre peu flatteur et un français bien souvent approximatif. De son coté - même si ses moyens vocaux et son tempérament excèdent quelque peu ceux que l’on associe ordinairement au personnage de Micaëla -, la soprano italienne Valentina Mastrangelo s’implique avec générosité dans ce rôle de jeune fille, et parvient à nous toucher dans un intense « Je dis que rien ne m’épouvante ». Le baryton serbe David Bizic vient sans réelle difficulté à bout du redoutable air d’Escamillo, le fameux « Toréador, toréador », tandis que d’une équipe de seconds rôles homogène et en tous points satisfaisante (si ce n’est sur celui de la diction) se détache le Moralès hâbleur de Stefano Marchisio.

La principale source de satisfaction de la soirée provient cependant de la fosse, avec un Orchestre Philharmonique des Marches en forme superlative, comme pour les deux précédentes soirées (Macbeth puis Rigoletto), grâce notamment à des cordes particulièrement soyeuses. Le maestro italien Francesco Lanzillotta fait entendre chaque note d’une partition qu’on croyait pourtant connaître par cœur, dirigeant avec une légèreté particulièrement en accord avec le travail scénique, sans jamais tomber dans la pesanteur, même dans l’Ouverture ou le Prélude du quatrième acte, que l’on n’avait rarement entendu sonner de façon si aérienne. Comme quoi, Carmen peut encore nous surprendre…

Emmanuel Andrieu

Carmen de Georges Bizet au Festival de Macerata, jusqu’au 10 août 2019

Crédit photographique © Tabocchini

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