George Enescu (1881–1955)
Œdipe, op. 23
Tragédie lyrique en quatre actes et six tableaux
Livret original en français d'Edmond Fleg.

Direction musicale : Ingo Metzmacher 
Mise en scène, décors et costumes : Achim Freyer 
Lumières Franz Tscheck
Vidéo : Benjamin Jantzen
Dramaturgie : Klaus-Peter Kehr

Christopher Maltman Œdipe
John Tomlinson Tirésias
Brian Mulligan Créon
Vincent Ordonneau Le Berger
David Steffens Le Grand Prêtre
Gordon Bintner Phorbas
Tilmann Rönnebeck Le Veilleur
Boris Pinkhasovich Thésée
Michael Colvin Laïos
Anaïk Morel Jocaste
Ève-Maud Hubeaux La Sphinge
Chiara Skerath Antigone
Anna Maria Dur Mérope
Salzburger Festspiele und Theater Kinderchor
Wolfgang Götz

Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Chef de chœur : Huw Rhys James
Wiener Philharmoniker
Salzburg, Feslsenreitschule, samedi 24 août 2019

Il y a toujours à Salzbourg une création ou un titre plus rare, qui s’ajoute à la programmation plus classique. Cette année, les mythes sont à l’honneur, après Idoménée, Orphée, Médée, c’est au tour d’Œdipe. La tragédie lyrique Œdipe de George Enescu, créée à Paris en 1936 a été esquissée dès 1910 et terminée en 1931.  Elle est représentée pour la première fois à Salzbourg, avec les Wiener Philharmoniker en fosse, Ingo Metzmacher au pupitre, et à la mise en scène le fringant vétéran Achim Freyer, qui est metteur en scène, mais aussi peintre, décorateur et créateur de costumes. C’est un univers très particulier qu’il installe dans la Felsenreitschule, lieu idéal pour de telles œuvres

Christopher Maltman (Œdipe) Acte III

À la fin du troisième acte, celui où Œdipe se crève les yeux et part, guidé par Antigone, le public de Salzbourg, qui à 98% sans doute ignore l’œuvre d’Enescu, se met à applaudir, avec cette intensité caractéristique d’un rideau final, au point que le chef Ingo Metzmacher a dû par un signe clair faire comprendre que ce n’était pas fini.
Il y en avait encore pour une demi-heure de musique…
On touche là l’un des caractères de cette œuvre inconnue du grand public, et aussi peut-être ce que certains considèreraient comme un défaut. De l’histoire d’Œdipe vue par Sophocle, on connaît bien l’Œdipe-Roi (mis aussi en musique par Stravinsky, dans un Œdipus Rex au destin bien plus triomphal que cet Œdipe), moins Œdipe à Colone
L’Œdipe d’Enescu est bien une tragédie Lyrique, mais raconte la vie d’Œdipe, de la naissance à la mort, en quatre stations, la naissance, la conquête de Thèbes, la découverte de la Vérité, et la mort apaisée. Cette histoire ne se concentre pas sur ce qui fait d’Œdipe une tragédie, ou même la tragédie par excellence, celle dans laquelle le héros se bat contre une fatalité écrasante, dont il ignore la nature, et qui fait de lui le coupable le plus monstrueux, malgré lui, à l’insu de son plein gré, dirait l’autre.
Ce qui fait la tragédie, c’est la brutalité d'un temps concentré : c’est Tirésias qui lui dit à l’acte III « Cet assassin, condamné par toi-même, tu le découvriras toi-même, avant qu’il fasse nuit ». La tragédie, c’est toujours le dernier jour du condamné, celui où la crise atteint son paroxysme, une crise, qui en l’espèce, explose vingt ans après le meurtre de Laïos, la résolution de l’énigme et la conquête de Thèbes.  D’où l’extrême violence de l’action.
Dans l’œuvre d’Enescu, cette violence est diluée dans une sorte de Passion, vécue par le héros, sur qui repose l’essentiel de l’œuvre, tragédie pour Œdipe et orchestre, presque un monologue, dans lequel les autres personnages sont très secondaires, apparaissant épisodiquement, et correspondant à chaque moment : Jocaste aux deuxième et troisième acte, Antigone au troisième et quatrième, Tirésias au premier et troisième, Créon au premier et quatrième et Thésée au quatrième etc…

L’histoire d’Œdipe, c’est l'oeuvre emblème du genre tragique car le héros est celui qui lutte contre une fatalité écrasante, et qui pour résoudre sa lutte pose sans cesse des questions qui aboutissent à une vérité qui en fait en monstre, quand il n’a jamais agi qu’en méconnaissance de cause. Et fort intelligemment, Achim Freyer résume cette situation en faisant d’Œdipe un boxeur, mais un boxeur de l’inutile, qui se bat contre des punching balls, sans jamais vaincre, mais toujours en lutte. Tout héros tragique se bat, lutte, mais toujours il est un conquérant de l’inutile car il ne peut rien contre la fatalité.
Ce qui caractérise le tragique, c’est la lutte.
Œdipe lutte et obéit aux différents oracles qui décident de sa vie. Laïos son père est l’objet d’un oracle d’Apollon qui affirme que si un héritier mâle naît, il le tuera et épousera sa mère. Alors il s’abstient sauf un fatal soir d’ivresse, et Œdipe naît. Alors Laïos l’abandonne sur le mont Cithéron, mais le bébé est sauvé par un berger, et l’histoire fatale commence.

Entre Médée, Orphée (même aux Enfers), Idomeneo et Œdipe, les Salzburger Festspiele suivent presqu’à la lettre les désirs d’Hugo von Hofmannsthal, l’un de ses fondateurs, de faire revivre les textes antiques et le cadre de la Felsenreitschule  est adapté à ce type de drame, le mur de granit, les arcades, donnent une ambiance de nature plus ou moins brute, avec un espace particulier tout en largeur et sans aucune profondeur, ouvert au jour si l’on veut, et que le metteur en scène investit aussi en hauteur, y plaçant des personnages, soit dans une loge, soit dans un coin à cour. Le coté fascinant du lieu convenant parfaitement au côté fascinant de l’histoire, qui est naissance de la tragédie.

Naissance d'Œdipe : David Steffens (Le Grand Prêtre, en vert), Brian Mulligan (Créon, en rouge), Bébé-Œdipe (Katha Platz)

Nous l’avons signalé, l’Œdipe d’Enescu est un récit, et donc permet une musique qui n’a pas l’urgence ou la violence d’un Stravinsky, mais qui peut s’étirer, méditer, et se développer autrement. Elle permet aussi l’apparition de tous les personnages qui firent l’histoire dont le Sphinx (la Sphinge), ce qui n’est pas la moindre des difficultés. Le librettiste d’ailleurs change la fameuse question, se détachant de la légende
La Sphinge :
« Et maintenant réponds, Œdipe si tu l’oses
Dans l’immense univers, petit par le Destin
Réponds, nomme quelqu’un ou nomme quelque chose,
Qui soit plus grand que le Destin

Œdipe :
« L’homme ! L’homme !
L’homme est plus fort que le destin »,

Telle est la réponse apportée à la question. Justifiant du même coup l’Œdipe boxeur imaginé par Achim Freyer et qui est la clef de cette parabole qui montre la vie d’Œdipe faite d’éléments où il ne fait qu’obéir à des oracles (et donc se soumettre) tout en luttant sans cesse.

Le livret d’ailleurs et son langage sont peut-être aussi un obstacle à la carrière de cette œuvre : le texte est un peu ampoulé, il n’exprime pas d’urgence tragique, et correspond à un style pour nous aujourd’hui tout à fait suranné. Il reste que c’est une œuvre singulière que ce "concerto pour Œdipe" . Un metteur en scène moins inactuel qu’Achim Freyer eût pu en faire un héros de jeux vidéo qui surmonte peu à peu tous les obstacles, et qui finalement est vaincu, un serious game en quelque sorte.
Cette production est d’abord un travail sur l’image : Achim Freyer est plasticien et son Œdipe est incontestablement un travail plastique profitant de l’espace particulier dont il dispose, les parois de la Felsenreitschule sont recouverts de noir, seule émerge une loge immaculée d’où le grand prêtre émettra ses oukases.
Sur la scène, les personnages apparaissent tous non-humains, revêtant des formes particulières qui renvoient à un monde mythifié qui pourrait ressembler aux belles histoires de l’enfance, à ces histoires qui font peur mais qu’on a envie d’entendre et réentendre : un Tirésias sur échasses tiré par une poupée électrique, un Œdipe au corps (artificiellement) bodybuildé,  des animaux fantastiques où étrangement, la Sphinge (ou le Sphinx ?) est la moins monstrueuse et la plus « humaine », avec sa mort dans le rire sardonique de celle qui sait la suite.  Ce choix d’une mise en scène chargée d’images étranges est cohérent avec une œuvre qui est par son rythme difficile à mettre en scène autrement dans pareil espace.

Œdipe (Christopher Maltman) perdu (Acte III)

Achim Freyer, est aussi (sinon plus) connu pour ses décors et ses costumes, il fait partie de ces artistes formés en ex-Allemagne de l’Est auprès de Bertolt Brecht, dont il fut l’un des meilleurs élèves et il a travaillé notamment aux côtés de Ruth Berghaus, Adolf Dresen et Benno Besson ((Bien que suisse, né à Yverdon, il a vécu pour l’essentiel à Berlin Est, fondateur avec Brecht du Berliner Ensemble, et futur directeur de la Volksbühne de Berlin, mais aussi à partir de 1982 de la Comédie de Genève)). Nous sommes devant un exemple de pur théâtre brechtien, tout en distanciation, qui peut sembler lui aussi dépassé, mais qui colle parfaitement à l’œuvre et à son esthétique.

Ainsi, Freyer se préoccupe un  peu moins du jeu des acteurs, les mouvements restent rares, et la centralité du personnage d’Œdipe se suffit à elle-même, dans la mesure où c’est le seul à devoir se mouvoir, à devoir exister dans un monde qui lui est hostile et face à des personnages qui sont autant d’obstacles. Seule Antigone, au dernier acte a forme humaine, petit être fragile et tenace qui va accompagner son père et l’abandonner au seuil de la mort, après qu’il eut refusé de regagner Thèbes, laissant la ville aux massacres et aux guerres fratricides (Étéocle et Polynice). Il en résulte un spectacle étrange, non dénué de poésie, un de ces spectacles intemporels qui convient à la tragédie.
Freyer ne montre guère le sang où la violence, il montre un Œdipe bébé au corps très potelé puis déjà presque adulte, déjà en culotte de boxe, cela fait évidemment rire le public, mais comme souvent le sarcasme, la distance de l’humour en disent plus long (Brecht là encore): ce bébé naît comme un petit adulte, comme portant déjà en lui les charges futures (un peu comme ces enfants des Vierges à l’Enfant médiévales ou de la Renaissance qui portent déjà en eux tout le drame du monde).  Intéressante aussi la centralité d’Œdipe qui quitte rarement le centre de l’espace quand les autres personnages entrent latéralement, reproduisant ainsi la dialectique centre/côtés, rôle central/rôles de complément. Notons aussi  le parcours fantomatique de Tiresias qui longe lentement en fond de scène le mur de granit. Comme une présence presque irréelle.

Michael Colvin (Laïos), Katha Platz (Bébé-Œdipe), David Steffens (le Grand Prêtre), Biran Mulligan (Créon), John Tomlinson (Tirésias), Anaïk Morel (Jocaste)

On navigue aussi dans un monde aux couleurs vives, contrastées, déjà marquées dans les éclairages de Franz Tscheck, et dans les costumes, le bleu (pour une Jocaste vêtue comme une fleur avec ses pétales), le vert électrique du grand prêtre, mais aussi le noir du chœur dont le rôle est la permanente déploration, qu’on voit émerger de l’ombre seulement au moment de la peste de Thèbes ou le blanc maculé de Tirésias (une sorte d'Ubu tout en hauteur…) ou du manteau royal d’Œdipe. Originale aussi la manière dont Œdipe apparaît après s’être crevé les yeux, avec ces larmes de sang (un masque de plastique) qui semblent fixées à jamais au corps du héros, comme si tout réalisme devait disparaître au profit de la sublimation.Et si certains symboles comme l’insecte géant, les immenses ciseaux, peuvent paraître cryptiques, ce n’est ni grave, ni rédhibitoire : dans le théâtre brechtien, la représentation n’est que le début d’une réflexion-méditation. Et pourquoi faudrait-il que tout soit clair, notamment dans un mythe inépuisable qui traverse notre culture depuis des millénaires. Même question que certains se posaient sur les sexes pendants arborés par certains choristes (bifaces, tournés vers le mur avec dans leur dos un masque et un sexe tournés vers le public) quand tous les carrefours de l’Athènes antique étaient marqués par un Hermès ithyphallique.
Il y a dans ce style un mélange de théâtre asiatique (on pense de manière fugace à l’Orestie de Mnouchkine), de conte pour enfants et de théâtre brechtien, manière de dire que la tragédie antique a une plasticité maximale et se prête à tous les habillages, sans jamais que ce qu’elle dit soit affaibli, ou tourné en dérision.
Et les Salzburger Festspiele ont fortement investi pour que la représentation (c’est une création à Salzbourg) soit marquante : l’effectif est gigantesque, avec des Wiener Philharmoniker appuyés par des instruments inhabituels (machine à vent, plaque tonnerre, scie musicale, fouet, castagnettes etc…). L’espace de la Felsenreitschule convient par ses dimensions à l’installation d’un orchestre hors normes (on se souvient des Soldaten !), du chœur de l’Opéra de Vienne (Konzervereiningung Wiener Staatsopernchor), et du chœur d’enfants. L’investissement est énorme, et pourtant il n’y a que quatre représentations, alors que pour la dernière, celle dont il est question dans cet article, qui affichait complet, de très nombreux spectateurs potentiels cherchaient des places. On ne peut que se réjouir de la réussite de cette production qui est sans doute l’un des sommets de Salzbourg 2019.
Les Wiener Philharmoniker, à Salzbourg doivent singulièrement étoffer leurs effectifs, entre les concerts, les opéras et opérettes, jouant même plusieurs fois par jour, le matin en concert, l’après-midi, voire le soir en fosse. Cela veut dire présence de supplétifs et des orchestres à géométrie variable, effectif varié et changeant, ce que les chefs détestent en général. Et s’approprier un répertoire aussi étranger à leur quotidien que cette œuvre, qui appartient au post-romantisme, au post-debussysme, mais qui a aussi des traits d’Europe centrale est aussi un exploit singulier. Le chef Ingo Metzmacher n’est pas plus familier de cet univers, mais comme il l’a écrit dans un livre célèbre (dont je conseille la lecture éclairante) « Keine Angst von neuen Tönen » ((N’ayez pas peur des sons nouveaux)). Il y a dans cette musique, exécutée sans aucune coupure, quelque chose d’une litanie, par son rythme lent, souvent assez répétitif, par ses sons étranges, par la variété de ces volumes, par son mouvement massif inexorable et par une présence du chœur (remarquable, préparé par Huw Rhys James) pratiquement continue.
La musique a une rudesse quelquefois archaïque, d’autrefois la légèreté d’une cantilène, avec une incroyable richesse de couleurs, qui en font un kaléidoscope sonore de nature impressionniste, fait de petites touches, de mini-moments musicaux et qui passent ensuite à la grandeur d’une fresque. Chacun des quatre tableaux dessine comme un lent courant, très expressif, avec une lecture d’une clarté marquée, laissant apparaître les différents niveaux sonores, les filigranes, les transparences. Il est difficile de juger des décisions interprétatives sur une œuvre aussi mal connue et aussi peu exécutée, mais en tous cas, Metzmacher a réussi à en rendre et la monumentalité, et la variété, à la tête d’un orchestre qui ce soir-là (la dernière) a montré un très grand engagement sans aucune scorie.
La distribution, on l’a dit, est faite d’une série d’artistes intervenant de manière très limitée et d’une omniprésence du personnage d’Œdipe.
À chaque tableau, ses personnages différents, sauf Tirésias qui traverse l’ensemble de l’œuvre : le premier acte est celui de Laïos (Michaël Colvin) et de Tirésias (un remarquable John Tomlinson à la rare intensité et à la puissance encore marquée malgré le poids des ans et au phrasé français impeccable , comme souvent les anglo-saxons, avec un timbre un peu mat qui évidemment convient au vieillard sans âge qu’est Tirésias.

Eve-Maud Hubeaux (La Sphinge)

Au deuxième acte, la Sphinge d’Eve-Maud Hubeaux, affublée d’un costume rigide qu’elle quitte pour mourir, est douée d’un beau phrasé, elle exploite joliment les couleurs d’un texte à la fois enfantin et sarcastique, qui convient à ce monstre gentiment menaçant et qui va se faire éliminer par un Œdipe-champion à qui rien ne résiste pour le moment.
Belle Jocaste très engagée aussi d’Anaïk Morel (au moins la distribution ici fait la part belle aux francophones, cela donnera peut-être des idées pour faire prochainement un Œdipe sur la place parisienne…) très expressive, juvénile aussi (alors qu’elle est la maman de son époux…).

Chiara Skerath (Antigone) et Christopher Maltman (Œdipe)

Chiara Skerath, autre délicieuse chanteuse francophone (belge par son père et suisse par sa mère) est une Antigone fraiche qui intervient à la fin de l’œuvre pour accompagner son père dans ses tribulations jusqu’à Colone.
Les voix de femmes sont bien distribuées (n’oublions pas Anna Maria Dur dans Mérope) et les voix masculines sont souvent douées d’un beau phrasé français, alors qu’à part le très bon Vincent Ordonneau, à l’élégante voix de ténor, dans le berger, aucun n’est francophone : au nombre de ces réussites en termes de diction et de phrasé, l’excellent Créon de Brian Mulligan, qui réussit à faire comprendre le double jeu du politique qu’il est, seulement par des inflexions intelligentes sur les mots. Bonnes prestations également de David Steffens, en grand prêtre, la plupart du temps perché dans une arcade de la Felsenreitschule, et du Thésée de Boris Pinkhasovich.

Évidemment tout repose sur Christopher Maltman, un Œdipe qui pourrait bien être pour lui le rôle d’une vie : qui pourrait le lui ravir, puisque José Van Dam, l’immense Œdipe qu’on connaît, ne chante plus ? Conforme à la demande de la mise en scène, cet Œdipe boxeur est plus extérieur qu’intérieur, ce n’est pas un méditatif : il est tout en expression, voire en expressionisme, plein de relief, rendant exactement l’idée de la lutte permanente et inutile. Son français est particulièrement clair, le chant est varié, sensible, très engagé. Le chanteur tient la distance avec front, et jamais on ne relève une faille dans ce chant toujours exposé. Il a raison, cet Œdipe de montrer les muscles, parce que la performance est vraiment éblouissante. Maltman est un chanteur engagé, très plastique dans ses rôles (on se souvient il a déjà longtemps de son Don Giovanni exceptionnel dans la mise en scène de Guth, dans ce Festival même) et il a réussi à soutenir l’attention du public, à varier la palette des expressions et des couleurs, notamment dans ce quatrième acte où allant vers la « transfiguration », il trouve une intériorité qui ne semblait pas être le caractère de cet Œdipe-là. Et c’est magistral.
Le Festival de Salzbourg serait bien inspiré de reprendre ce titre dans les prochaines années, vu son succès cette année, et vu la production particulièrement adaptée au titre et à la musique d’Enescu. Il fallait un Freyer pour éviter une actualisation hors de propos (et qui ne conviendrait peut-être pas à cette musique) et pour réussir à fasciner le public convaincu par l’alliance réussie d’une fosse libérée et inspirée (c’est la quatrième et dernière représentation, souvent la meilleure) et d’une scène atemporelle et souvent magnétique.

Anaïk Morel (Jocaste ) démultipliée

 

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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