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Rupture ou continuité ?

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Opera Vlaanderen
09/19/2019 -  et 22*, 25, 28 septembre, 2, 6, 9 (Antwerpen), 16, 19, 22, 25, 27, 30 (Gent) octobre 2019
Giuseppe Verdi: Don Carlos
Leonardo Capalbo (Don Carlos), Mary Elizabeth Williams (Elisabeth de Valois), Andreas Bauer Kanabas (Philippe II), Kartal Karagedik (Rodrigue), Raehann Bryce-Davis (La princesse Eboli), Roberto Scandiuzzi (Le Grand Inquisiteur), Werner Van Mechelen (Un moine), Annelies Van Gramberen (Thibault/Une voix celeste), Stephan Adriaens (Le Comte de Lerme/Un Héraut royal) Koor Opera Ballet Vlaanderen, Jan Schweiger (chef des choeurs), Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, Alejo Pérez (direction)
Johan Simons (mise en scène), Hans Op de Beeck (scénographie, vidéo), Greta Goiris (costumes), Dennis Diels (lumières)


(© Opera Vlaanderen)


Du neuf à l’Opéra des Flandres: Jan Vandenhouwe remplace Aviel Cahn à la direction artistique suite à son départ pour le Grand Théâtre de Genève. Ce nouveau mandat s’accompagne de modifications, comme la suppression – bienvenue, à notre avis – du livret dans le programme, ce qui économise du papier, et l’ajout de l’anglais dans les sous-titres, en plus du néerlandais, sans battre, sur ce terrain, l’Opéra royal de Wallonie qui les affiche en quatre langues (français, néerlandais, anglais et allemand). La programmation de la saison et plus concrètement ce Don Carlos suggèrent que Jan Vandenhouwe, qui a travaillé comme dramaturge à la Ruhrtriennale, suivra à peu près la même direction que celle de son prédécesseur, mais il convient d’attendre la fin de la saison, voire le début de la prochaine, pour confirmer cette tendance.


Cette nouvelle coproduction avec l’Opéra de Wroclaw repose sur la version de 1886, dite de Modène, mais chantée en français, avec quelques adaptations, notamment la suppression du ballet, ce qui fâchera les puristes. Outre cette question problématique de la version, la mise en scène pose quelques difficultés de compréhension. Johan Simons applique, en effet, une grille de lecture de nature psychanalytique à ce grand opéra et exploite le principe du flash-back, avec des références à l’enfance. Cette interprétation, qui parait confuse au premier abord, avant de se révéler fouillée, personnelle et somme toute cohérente, ne laisse rien au hasard, jusque dans les costumes et la scénographie. Il faudrait idéalement la voir une seconde fois pour mieux en pénétrer la substance.


Plus que le point de vue opté par le metteur en scène et la direction d’acteur, fort soutenue, c’est la scénographie, conçue par un artiste plasticien, qui attire notre attention, en particulier les images de synthèse, assez originales. Le dispositif évoque plus ou moins le contexte historique du drame, tout en recourant à la symbolique, comme ces formes géométriques sujettes à diverses interprétations et le lit, tantôt un divan de psychanalyste, tantôt un lit pour enfant, tantôt une cage. Le placement des choristes produit des effets qui évoquent la peinture hollandaise et espagnole du dix-septième siècle. Les amateurs d’art moderne apprécieront probablement l’esthétique de ce spectacle, au contraire des plus conservateurs qui, dans ce cas, feraient mieux d’éviter prudemment l’Opéra des Flandres pour assouvir leur passion. Cette mise en scène reste donc affaire de goût personnel, mais ce que Johan Simons propose témoigne d’une réflexion approfondie et invite à examiner cet opéra sous une autre perspective, ce qui la rend digne d’intérêt.


La direction artistique devrait toutefois choisir la distribution vocale avec plus de clairvoyance. C’est que le temps nous semble long: à défaut de disposer de grands chanteurs maîtrisant le français, il vaut mieux éviter de monter cet opéra dans cette langue. La plupart des interprètes semblent en difficulté et n’accordent pas toute son importance à l’art de chanter Verdi, à quelques exceptions près. Leonardo Capalbo, fort d’un timbre accrocheur, affiche un potentiel certain et une technique solide, bien que la voix demeure fort sollicitée dans le haut du registre, mais l’adéquation ne paraît pas totalement évidente entre les moyens de ce ténor et ceux exigés par le rôle-titre. Des emplois plus légers conviendraient probablement mieux au stade de son évolution artistique, quitte à approfondir Don Carlos plus tard – un nom, toutefois, à retenir.


Mary Elizabeth Williams, distribuée en Elisabeth de Valois, sacrifie la rigueur et le raffinement au détriment de la puissance et de l’expressivité, mais la voix de grande envergure de cette soprano à l’engagement sincère dévoile de réelles qualités quand elle parvient à la discipliner, ce qui se produit le plus souvent dans le médium, la chanteuse manifestant une fâcheuse tendance à tirer sur ses aigus. Andreas Bauer Kanabas possède une voix digne d’attention, mais plutôt rocailleuse et à la tessiture un peu trop basse pour Philippe II, tandis que le chant reste linéaire et monochrome. S’il confère une belle prestance à son personnage, le chanteur peine à nous émouvoir dans son grand air par manque de raffinement et d’intimité avec la langue.


Retenu pour Rodrigue, Kartal Karagedik s’empêtre péniblement dans son français, comme beaucoup de ses partenaires, mais le baryton turc tente de chanter au mieux, compte tenu de ses moyens, et malgré une respiration contrainte; il parvient néanmoins à nous toucher quelque peu par son jeu théâtral. Raehann Bryce-Davis livre, en Eboli, une incarnation totalement exaltée, à moins qu’elle se plie aux volontés du metteur en scène, mais le chant manque de justesse et de style. La princesse vient sans doute trop tôt dans la carrière de cette mezzo-soprano puissante et enthousiaste. La finesse de la caractérisation, le raffinement de la ligne, l’attention portée aux mots, entre autres qualités, nous les retrouvons enfin et avec soulagement dans l’Inquisiteur de Roberto Scandiuzzi. Membre de la troupe des jeunes de l’Opéra des Flandres, Annelies Van Gramberen parvient à se démarquer par sa fraîcheur et ses capacités et il faut espérer que cette jeune soprano colorature aborde ses prochains rôles avec prudence afin de ne pas gâcher son potentiel. Saluons aussi l’excellent Werner Van Mechelen, sous-employé en moine, et applaudissons aussi Stephan Adriaens en Héraut royal à la voix haut perchée.


Le nouveau directeur artistique bénéficie d’un autre directeur musical, Alejo Pérez, qui est déjà descendu dans la fosse pour Pelléas et Mélisande et Lohengrin. Le chef obtient de l’orchestre un jeu précis et vigoureux, mais la prestation manque d’un soupçon de de variété et de nuance pour nous enthousiasmer sans réserve. Les musiciens exaltent en revanche cette musique avec un lyrisme ardent. Quant à Jan Schweiger, il continue à se charger de la préparation des chœurs, fort impliqués comme d’habitude.


Le site de l’Opéra des Flandres



Sébastien Foucart

 

 

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