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Une belle réussite

Stockholm
Kungliga Operan
10/05/2019 -  et 8*, 11, 15, 19 octobre 2019
Franz Schreker : Der ferne Klang
Agneta Eichenholz (Grete), Daniel Johansson (Fritz), Johan Rydh (Graumann), Miriam Treichl (Mme Graumann, Une vieille femme, Une Espagnole, La serveuse), Lars Arvidson (Docteur Vigelius, Le baron), Ola Eliasson (Rudolf), Jeremy Carpenter (Un comédien), Klas Hedlund (Chevalier, Un individu suspect), Daniel Ohlmann (Premier choriste), Andreas Lundmark (Second choriste), Vivianne Holmberg (Mizi), Marie-Louise Granström (Milli), Madeleine Barringer (Mary)
Kungliga Operans Kör, James Grossmith (chef de chœur), Kungliga Hovkapellet, Stefan Blunier (direction musicale)
Christof Loy (mise en scène), Raimund Orfeo Voigt (scénographie), Barbara Drosihn (costumes), Olaf Winter (lumières)


D. Johansson, A. Eichenholz (© Monika Rittershaus)


Donné pour la première et unique fois à l’Opéra royal de Stockholm en 1927, pour quatre représentations, Le Son lointain de Franz Schreker fait enfin son retour dans la capitale suédoise, autour d’une production chaleureusement accueillie par le public. Tout aussi rare en France (voir le spectacle donné à l’Opéra du Rhin en 2012), cet ouvrage composé en 1912 figure parmi les plus réussis de ce grand rival de Richard Strauss avant l’avènement nazi, avec Les Stigmatisés (monté à Lyon voilà quatre ans). C’est encore une fois la capitale des Gaules qui s’illustrera à l’hiver prochain avec une autre rareté, Irrelohe (1919) : un événement à ne pas manquer.


En attendant, direction Stockholm pour une nouvelle production du Son lointain dont le grand mérite revient à la mise en scène intense de Christof Loy. Le trublion allemand est bien connu du public local, pour lequel il a monté de nombreux spectacles, dont une très réussie Fille du Far-West en 2012: une production que l’on retrouvera en mai-juin prochain avec Alan Gilbert à la baguette, mais sans Nina Stemme. Le travail de Loy se montre très respectueux de l’ouvrage, tout en s’appuyant sur ses qualités habituelles de direction d’acteur: en composant de nombreux tableaux humains figés ou en apportant beaucoup de vitalité aux moindres seconds rôles, les surprises ne manquent pas, autour d’une scénographie intemporelle qui montre au I l’enfermement des deux héros dans un espace clos et étroit, symbole de leur horizon réduit, avant qu’une forêt sombre et touffue ne laisse entrevoir à l’héroïne les possibilités offertes par le monde. Les éclairages mettent toujours en avant la rampe et ses fauteuils de théâtre déglingués, miroir des espérances incertaines de l’artiste, le tout avec l’apport des fumigènes dans la pénombre de l’arrière-scène. On peut ainsi croire tout du long à un cauchemar éveillé de Fritz, souvent proche du public avec sa partition, ébahi par la fantasmagorie à l’œuvre sur scène, puis moqué par la troupe en fin d’ouvrage. Si la scène interlope apparaît très convaincante avec ses costumes flamboyants et son jeu trouble sur les rôles (notamment les quatre danseurs grimés en danseuses lascives), Loy montre quelques limites au III en semblant manquer d’idées.


Pour autant, on ne boude pas son plaisir tout du long, d’autant plus que la troupe de l’Opéra royal montre une cohésion éloquente, tout autant qu’un niveau vocal très satisfaisant. Outre le solide Lars Arvidson, on est ainsi bluffé, par les couleurs mordantes de Miriam Treichl, sans parler des phrasés nobles et bouleversants d’Ola Eliasson. Seuls les deux rôles-titres montrent quelques faiblesses, notamment dans les passages de registre épineux au I, là où Schreker se montre le plus innovant dans son écriture verticale parsemée de détails orchestraux raffinés. Agneta Eichenholz (Grete) est ainsi plusieurs fois en délicatesse avec son placement de voix, occasionnant quelques faussetés dans les attaques, heureusement plus rares ensuite quand la voix mieux posée s’éclaire de l’ivresse du chant néo-wagnérien, aux II et III. Daniel Johansson (Fritz) souffre quant à lui d’une tessiture insuffisante dans l’aigu, qui occasionne une émission étroite et forcée, là aussi compensée par des graves splendides et une belle composition dramatique. Les chœurs, bien préparés, se montrent à la hauteur de l’événement, mais c’est surtout la direction de Stefan Blunier qui nous emporte par son geste néo-romantique, tournant Schreker vers ses influences wagnériennes – à l’inverse de la direction élégante et piquante de Sebastian Weigle à Francfort en début d’année. On gagne, par l’opposition des pupitres, en vision dramatique ce que l’on perd en subtilité dans les parties apaisées, moins abouties en comparaison.


Un spectacle globalement réussi à savourer sans modération, si vous êtes de passage à Stockholm: même s’il faudra lire le livret avant le spectacle, faute de surtitres en anglais, on ne manquera pas d’admirer les splendeurs de cette belle maison, dont les plafonds peints par le toujours surprenant Carl Larsson (1853-1919).



Florent Coudeyrat

 

 

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