I Due Foscari inaugure le Festival Verdi de Parme

Xl_due_foscari © Roberto Ricci

Après des années de difficultés financières, le Festival Verdi de Parme retrouve des couleurs. Grâce à une utilisation intelligente du crowdfunding, elle-même favorisée par l’introduction de nouvelles dispositions fiscales particulièrement favorables aux dons en faveur de la culture et du spectacle vivant, les capacités de production ont nettement augmenté. Au point qu’il est désormais possible de programmer en avance : I Lombardi, Rigoletto, Macbeth (dans sa version française !), et Ernani sont ainsi d’ores et déjà annoncés pour l’automne 2020, à Parme et à Busseto. Mais en attendant - aux côtés de Nabucco, Aïda et Luisa Miller -, ce sont les rares I Due Foscari qui ont inauguré l’édition 2019, dans une (nouvelle) coproduction avec le Teatro Comunale di Bologna. Malgré quelques reprises à travers l’Europe ces dernières années, comme au Théâtre du Capitole en 2014, l’ouvrage (créé à Rome en 1844) n’a jamais réussi à s’imposer durablement, à l’instar de Giovanna d’Arco (composée un an plus tard, et dont nous avons entendu une version concertante le lendemain de ce spectacle parmesan). Les indéniables beautés de la partition de Giuseppe Verdi, surtout concentrées dans le 3ème acte, d’une écriture vocale flamboyante, peuvent difficilement faire oublier les limites du livret de Francesco Maria Piave, d’une désespérante absence de ressort dramatique, et même d’évolution psychologique pour les trois personnages principaux.

Pour la mise en scène, on est allé chercher l’homme de théâtre italien Leo Muscato, régisseur fidèle de l’Opéra de Monte-Carlo où l’on a pu voir, signées de lui, une production de Nabucco, et une des plus rares Masnadieri, autre œuvre de jeunesse (dites « Années de galère ») de Verdi. Le décor unique, propret et rationnel (sous forme de cyclorama), d’Andrea Belli ne cède que brièvement à l’exotisme direct d’une Venise somme toute imaginée, tandis que les costumes très XIXe transposent l’histoire à une époque plus proche de nous. Dommage cependant que Muscato se borne, cette fois, à créer des atmosphères, sans donner de directives précises aux chanteurs, contraints de se replier sur leur propre panoplie de gestes et d’attitudes…

Dans le rôle de Francesco Foscari, le baryton bulgare Vladimir Stoyanov offre une voix en or, qui se distingue par la noblesse des phrasés, la maîtrise du souffle, et une projection impressionnante. Il triomphe de toutes les embûches du rôle, et atteint en fin de parcours l’engagement viscéral d’un homme anéanti, ce qui lui vaut une énorme ovation au moment des saluts. De son côté, le ténor roumain Stefan Pop (Foscari fils) propose également une bien belle prestation, lyrique et virtuose. La voix, souple et sensuelle, franche, à l’aigu plein (superbe « All’infelice veglio » !), d’une virilité affirmée, séduit. L’acteur s’avère, en revanche, plus en retrait… Quant à la soprano mexicaine Maria Katzarava - dont nous avons beaucoup aimé la Marguerite (de Faust) à Lausanne en 2016, la Tosca tourangelle en 2017 ou encore l'Amelia (dans Simon Boccanegra), également à Lausanne l'an passé -, elle a ici moins de chance, car le rôle de Lucrezia est autrement plus difficile, en termes de vocalisation notamment. Le personnage se voit en effet confié une écriture toute belcantiste, et le compte n’y est pas cette fois : les cabalettes sont savonnées, et trouvent l’artiste maintes fois à bout de souffle. Et, à l’instar de son jeune collègue, l’expression reste par trop empruntée, presque scolaire... La basse italienne Giacomo Prestia (Loredano) n’est plus que l’ombre d'elle-même, et la voix chevrote désormais même une fois chauffée... Les autres comparses se révèlent autrement solides, avec une mention pour le Barbarigo sonore de Francesco Marsiglia, tandis que le Chœur du Teatro Regio di Parma, très bien préparé par Martino Faggiani, fait preuve d’une versatilité stylistique forçant l’admiration.

Attentif et passionné à la fois, l’excellent chef italien Paolo Arrivabeni dirige une Filarmonica Arturo Toscanini zélée et scrupuleuse, et privilégie, tout au long de la soirée, le climat douloureux et élégiaque de l’ouvrage.

Emmanuel Andrieu

I Due Foscari de Giuseppe Verdi au Teatro Regio de Parme, jusqu’au 17 octobre 2019

Crédit photographique © Francesco Ricci 

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