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Une belle redécouverte

Frankfurt
Oper
10/11/2019 -  et 19*, 26 octobre, 1er novembre 2019
Ernst Krenek : Der Diktator, opus 49
Davide Damiani (Le dictateur), Angela Vallone (Charlotte), Vincent Wolfsteiner (L’officier), Juanita Lascarro (Maria)
Ernst Krenek : Schwergewicht, oder Die Ehre der Nation, opus 55
Barnaby Rea (Adam Ochsenschwanz), Barbara Zechmeister (Evelyne), Jonathan Abernethy/Michael Porter* (Gaston), Danylo Matviienko (Professeur Himmelhuber), Judita Nagyová (Anna Maria Himmelhuber), Michael McCown (Journaliste, Haut fonctionnaire)
Ernst Krenek : Das geheime Königreich, opus 50
Davide Damiani (Le roi), Ambur Braid (La reine), Sebastian Geyer (Le fou), Peter Marsh (Le rebelle), Florina Ilie, Julia Moorman, Judita Nagyová (Trois chanteuses), Tianji Lin (Premier révolutionnaire), Pilgoo Kang (Second révolutionnaire), Jonathan Abernethy/Michael Porter* (Un gardien)
Chor der Oper Frankfurt, Markus Ehmann (chef de chœur), Frankfurter Opern- und Museumsorchester, Lothar Zagrosek (direction musicale)
David Hermann (mise en scène), Jo Schramm (scénographie), Katharina Tasch (costumes), Olaf Winter (lumières), Mareike Wink (dramaturgie)


Le Dictateur: J. Lascarro, D. Damiani, A. Vallone
(© Barbara Aumüller)



Précédée d’un excellent bouche-à-oreille, la reprise de ce spectacle crée en 2017 à Francfort est l’un des événements à ne pas manquer de ce début de saison, et ce d’autant plus que les trois petits ouvrages de Krenek (1900-1991) sont rarement donnés lors d’une même soirée, comme ce fut le cas en 1928 pour leur création à Wiesbaden. Après l’éclatant succès de Jonny spielt auf l’année précédente, Krenek ressentit manifestement le besoin de prouver toute l’étendue de son talent, non seulement au niveau de ses qualités littéraires, en tant qu’auteur de livret, mais aussi par la mesure de la variété de son inspiration musicale, audible dans ces trois bijoux finement ciselés, aux atmosphères si contrastées : la scansion rythmique piquante et chambriste de l’opéra tragique Le Dictateur, fait ainsi rapidement place à l’esprit forain et jazzy de l’opérette burlesque Poids lourd, ou L’Honneur de la Nation, rappelant l’écriture du groupe des Six, avant de conclure sur une puissance d’évocation symphonique proche de l’ancien maître Schreker dans l’opéra féerique Le Royaume secret.



Poids lourd: D. Damiani, B. Rea, B. Zechmeister, J. Abernethy
(© Barbara Aumüller)



David Hermann a la bonne idée de lier les trois histoires, pourtant très différentes, en plaçant au centre de l’action les personnages du fou et du dictateur-roi (interprété par le même chanteur): tous deux observent les événements lorsque le livret ne les sollicite pas, l’un comme un souverain avide de divertissement, l’autre comme une sorte de «Monsieur Loyal» distancié, le tout en un décor et des costumes d’allures fantastiques et intemporels. Les amours contrariées du dictateur, imaginé par Krenek pour moquer Mussolini et son addiction aux conquêtes féminines, prennent d’abord une tournure tragique, avant d’embrasser la farce burlesque, pour finalement achever le parcours initiatique en un inattendu hommage à la toute-puissance de la nature, créatrice et nourricière. A chaque fois, Hermann surprend par une scénographie de toute beauté, d’abord épurée au I, plus malicieuse ensuite avec son théâtre dans le théâtre «brechtien» au II, avant d’enfouir littéralement le dictateur dans un bunker sinistre au III. A chaque fois, la direction d’acteur fait mouche et achève de convaincre de la pleine réussite de cette proposition.



Le Royaume secret: J. Nagyová, J. Moorman, S. Geyer, A. Vallone, A. Braid (© Barbara Aumüller)


Le plateau vocal réuni pour l’occasion montre un bon niveau homogène, sans pour autant briller, s’imposant surtout dans le parlé-chanté rigoureux. C’est particulièrement vrai de Davide Damiani, idéal de noirceur dans ses phrasés, au timbre fatigué mais en phase avec son rôle, ou de Sebastian Geyer, confondant de naturel entre aisance vocale et dramatique – il est logiquement acclamé en fin de représentation pour sa belle prestation. Outre le parfait Michael Porter, à la rondeur d’émission toujours aussi flatteuse, on mentionnera les aigus spectaculaires d’Ambur Braid, même si elle souffre quelque peu dans les vocalises meurtrières au III. Enfin, Angela Vallone combine admirablement engagement et ivresse vocale, à même de convaincre pleinement dans son rôle d’épouse bafouée. On retrouve dans la fosse, comme en 2017, l’un des grands spécialistes de ce répertoire en la personne de Lothar Zagrosek, bien connu pour ses enregistrements de la série «Entartete Musik» pour Decca (dont Jonny spielt auf). Le geste toujours sûr du chef allemand ne cherche jamais à prendre l’avantage sur le plateau, se montrant toutefois un rien timide dans l’extraversion des passages satiriques.



Florent Coudeyrat

 

 

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