Rusalka à Strasbourg : jeux d’échos et de miroirs

- Publié le 30 octobre 2019 à 06:49
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La superbe direction musicale d'Antony Hermus fait tout le prix de cette nouvelle production de l'Opéra du Rhin .

Une petite fille lit le conte d’Andersen. Une adolescente malade veut quitter ses parents pour connaître l’amour. La vidéo nous montre un couple ravagé par la violence conjugale et brisé par le suicide de l’homme. A Strasbourg, Nicola Raab multiplie les jeux d’échos et de miroirs ; jusqu’à faire de la Princesse étrangère, au-delà de la rivalité amoureuse, un double de Rusalka, alors que Jezibaba devient l’infirmière ou la mère – abusive – de l’héroïne… qui partage le lit de son père.

La metteuse en scène plonge-t-elle au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ? Non : elle nous sert le cocktail, aujourd’hui familier, de rêve et de réalité, de nature et de civilisation, d’Ibsen et de Lacan – et l’on aurait du mal à croire qu’elle ignore la production de Robert Carsen… Mais elle joue très habilement sur l’opposition entre les deux univers, une magnifique vidéo représentant la nature, aquatique et végétale, sur les frontières et les passages, sur le noir et blanc du I et du III et la couleur du II. Un spectacle chargé de symboles, assez esthétisant, sur la quête et la peur initiatiques de l’amour, parfois très beau plastiquement, qui gagnerait néanmoins à une direction d’acteurs plus tendue et plus inventive.

Malgré un refroidissement, Pumeza Matshikiza déploie une voix au timbre un peu sec mais homogène, à l’aigu facile, épanouie dans une ligne de chant très sûre : une belle Ondine, à la fois lointaine et frémissante, au physique d’adolescente. Bryan Register, en revanche, s’il assure et peut chanter piano, époumone et raidit ses aigus, alors que la Princesse étrangère de Rebecca Von Lipinski arrache les siens à une tessiture distendue. Une fois le vibrato contrôlé, Attila Jun s’impose en Ondin à la fois redoutable et protecteur, impressionnant par le timbre et la profondeur de la voix, plus que la Jezibaba pertinente mais usée de Patricia Bardon. Aucune réserve sur l’orchestre grâce à la superbe direction vif-argent, volcanique, d’Antony Hermus, qui ne fait pas de Rusalka un opéra pour petites filles, quitte à ne pas toujours ménager les chanteurs.

Rusalka de Dvorak. Strasbourg, Opéra du Rhin, le 24 octobre.

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