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Les Puritains à l’Opéra de Marseille – Le bel canto triomphant de Jessica Pratt et Yijie Shi – Compte-rendu

En programmant deux représentations (seulement !) des Puritains en version concertante, Maurice Xiberras, le directeur de l’Opéra de Marseille, n’avait pas de droit à l’erreur. Il fallait être proche de l’excellence en ce lieu où le bel canto est parfois élevé au rang de religion. Challenge d’autant plus relevé qu’il y a quelques semaines, cette partition était jouée à l’Opéra Bastille. Alors oui, il n’y avait pas de mise en scène à Marseille mais la musique était la même et les difficultés de la partition aussi relevées sur les rives du Vieux-Port qu’au pied de la Tour Eiffel. Et à l’issue de la première représentation, quelques happy few qui s’étaient offert le luxe d’entendre les Puritains à Paris, puis à Marseille, reconnaissaient la qualité remarquable du plateau phocéen.
 

© Christian Dresse
 
Il faut dire qu’en conviant Jessica Pratt (photo à g.) pour chanter Elvira, sauf accident, c’était jouer gagnant tout du moins du côté féminin de la distribution. C’est l’un des rôles fétiches parfaitement maîtrisés par la soprano britannique qui, une fois de plus à Marseille, a fait frémir son public de bonheur. La voix est solide et puissante, sans aucun vibrato intempestif, l’aigu est assuré sereinement, sans excès, avec justesse et limpidité, les vocalises sont harmonieuses et le triomphe final assuré. L’atout supplémentaire de Jessica Pratt, c’est qu’elle est comme possédée par son personnage et, même en concert, elle donne une puissance dramatique certaine à son interprétation hyper romantique. Elle n’en fait jamais trop et les moments de folie sont crédibles et émouvants. Du grand art.
 A ses côtés, le ténor chinois Yijie Shi (photo à dr.) chantait Arturo. Visage impassible, il semble, lui aussi, habité par son personnage, livrant avec émotion et justesse un chant précis et puissant avec un médium dense et de très beaux aigus. Son duo « Vieni fra queste braccia » avec Elvira, est une pure merveille. Un sourire adressé à sa partenaire arrivera enfin sur son visage à l’issue de ce moment salué par de très longs applaudissements.
 

Giuliano Carella © Christian Dresse

Régulièrement invités à Marseille, Jean-François Lapointe, promu dernièrement directeur de l’Opéra de Québec, et Nicolas Courjal étaient, respectivement, Riccardo et Giorgio. N’étant pas un spécialiste du bel canto, le baryton canadien fait valoir sa puissance et ses aigus mais se montre plus discret dans le registre grave et dans l’agilité. Quant à Nicolas Courjal, qui n’était pas, lui non plus, dans son répertoire de cœur, il a fait preuve d’une grande maîtrise et d’une présence marquée, imposant sa ligne de chant idéale et ses graves profonds, notamment pour le duo « Suoni la tromba, e intrepido » du deuxième acte. Les comprimari, Julie Pasturaud, Henriette, Eric Martin-Bonnet, Lord Walton et Christophe Berry, Bruno, ont complété avec talent cette distribution.
Il convient enfin de souligner l’intelligence et le dynamisme de la direction du maestro Giuliano Carella qui a su transcender un excellent orchestre de l’Opéra – avec une mention particulière aux vents. Idéalement préparé par Emmanuel Trenque, le chœur de l’Opéra s’est, lui aussi, hissé au niveau d’excellence de cette production.
 
Michel Egéa

Bellini : Les Puritains – Marseille, Opéra, 3 novembre ; prochaine représentation le 5 novembre 2019 /  opera.marseille.fr/programmation/opera/les-puritains
 
 
Photo © Christian Dresse.

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