L'Enfant et les sortilèges à Lyon : la technologie au service de la magie de l'enfance

Xl_enfant2 © Jean-Pierre Maurin

L’Opéra de Lyon reprend jusqu’au 19 novembre la production de L’Enfant et les Sortilèges créée dans ses murs en 2016 par James Bonas et Grégoire Pont qui offrent à cette féérie lyrique l’appui de la technologie moderne.

Si la projection est aujourd’hui un outil couramment utilisé, notamment pour cette œuvre comme au Komische Oper en 2017, c’est très certainement parce qu'elle permet d'en souligner la féerie et son caractère de conte avec une grande efficacité. La maison lyonnaise fait ici le même choix qu’en 2016, à savoir ouvrir ses portes au plus grand nombre, à commencer par les enfants. L’œuvre de Ravel n’est ici couplée à aucune autre, et la soirée dure une heure, en débutant à 19h30 afin que les plus jeunes puissent se coucher tôt. De plus, le caractère enfantin et la courte durée, appuyés par le jeu des images de Grégoire Pont, permettent de captiver un jeune public concentré. Et ici, pas de poudre aux yeux, mais bien d’une certaine poésie.


L’Enfant et les sortilèges, Opéra de Lyon ; © Jean-Pierre Maurin

La magie opère dès l’ouverture de la soirée : sur scène, l’orchestre est placé derrière une toile, plus ou moins transparente selon l’éclairage, surplombée d'un voile de tulle. Par petites touches, telle une luciole peintre, le titre de l’opéra se dessine petit à petit sur cet écran avant que dans sa colère, l’enfant n’arrache ce vaporeux rideau. Maman, alors figure d’autorité, apparaît derrière la toile sur un escabeau. Au devant, une immense main dessinée s'esquisse pour reprendre celle de la cantatrice cachée. L’ensemble des chanteurs évolue durant la soirée tantôt devant, tantôt derrière cette toile, habillés par les dessins parfois en noir et blanc, parfois colorés qui apparaissent comme par la magie de l’imagination du héros. La Pendule sonne en rythme, faisant apparaître des cercles lumineux et un cadran en parfaite adéquation avec la musique, alors que les deux Chats se tournent autour derrière les chanteurs avant que leur ronde ne prenne un tour inquiétant avec l’apparition de Rouge et de Crocs… Le Feu finit par embraser la scène, les pastoureaux et pastourelles prennent vie sous nos yeux, et le passage au domaine extérieur se fait naturellement. Les arbres rouges prennent un air sombre tandis que les animaux apportent quelques couleurs et que les batraciens sautent dans toute la salle. La magie opère ainsi du début à la fin, avec une habile facilité.

Côté voix, c’est aux solistes issus du Studio de l’Opéra qu’incombe l’ensemble des rôles, certains alternant selon les dates. En ce soir de Première, c’est Clémence Poussin qui incarne avec malice l’Enfant désobéissant d’une voix assurée, claire, à l’aise dans les aigus comme dans les graves, les caprices et les colères comme dans la compassion ou la peur enfantine. Elle tient le rôle en alternance avec Beth Moxon qui est ce soir la Bergère et la Chouette, au timbre plus sombre et peut-être aussi moins clair, mais son incarnation possède un petit grain de folie des plus agréables. L’énergie déployée par Erika Baikoff en Chauve-Souris s’inscrit dans la mémoire et n’a d’égale que la douceur et la mélancolie de sa Pastourelle. Margot Genet manque un peu d’éclat dans les rôles du Feu, du Rossignol et de la Princesse, bien que ce dernier semble lui convenir davantage et que l’ensemble ne soit pas désagréable. Claire Gascoin est une Maman, une Tasse chinoise et une Libellule convaincante, oscillant entre l’autorité mordorée de la première, la folie de la deuxième et la langueur de la troisième. Eira Huse est de son côté un Pâtre, la Chatte et l’Ecureuil convaincant, de même que Kaëlig Boché en Théière délurée, Petit Vieillard et Rainette. Enfin, Christoph Engel est une Horloge comtoise et un Chat de belle envergure, posée et ambré, mais Matthew Buswell peine de son côté en Fauteuil et en Arbre.

Enfin, les Chœurs de l’Opéra de Lyon se montrent une fois encore excellents dans leurs parties, riches en nuances et d’une prononciation exemplaire, tandis que Titus Engel dirige l’Orchestre de la maison et dresse, lui aussi, un tableau coloré et en mouvement de la partition.

Les applaudissements chaleureux accueillent de façon méritée le retour de cette production qui fait manifestement l’unanimité, chez les adultes comme chez les enfants. Une belle idée pour un spectacle en famille.

Elodie Martinez
(Lyon, le 14 novembre)

L'Enfant et les sortilèges, à l'Opéra de Lyon, jusqu'au 19 novembre.

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