Reprise des Dialogues des Carmélites selon Py au Théâtre du Capitole

Xl_9l_-_dialogues_des_carm_lites___patrice_nin © Patrice Nin

Nous étions sortis bouleversés de ces Dialogues des Carmélites (mis en scène par Olivier Py) lors de son passage par La Monnaie de Bruxelles (coproducteur du spectacle avec le Théâtre des Champs-Elysées), il y a tout juste deux ans, et c’est à nouveau éblouis que nous sommes sortis du Théâtre du Capitole (aux côtés de certains spectateurs en larmes…), puisque Christophe Ghristi a eu l’excellente idée de faire venir cette splendide production dans ses murs. Avouons cependant que l’exiguïté des lieux – en comparaison des deux autres structures – a nui à la fluidité de l’imposante scénographie imaginée par Pierre-André Weitz, et donc parfois à l’impact émotionnel, tel que nous l’avions ressenti, avec plus de force, dans la capitale belge. La spectaculaire et bouleversante scène finale ne manque néanmoins pas de faire son effet, en collant par ailleurs admirablement à une musique que Jean-François Verdier, quelque peu en retrait et trop analytique dans sa démarche avant le dernier tableau, emporte enfin vers les sommets.


Anaïs Constans (Blanche de la Force), Anaïk Morel (Mère Marie de
l'Incarnation) © Patrice Nin

Quant à la distribution vocale, elle s’avère au même niveau d’excellence, hors la Première Prieure de Janina Baechle (seule non-francophone de l’équipe), qui ne pourra faire oublier celle de Sylvie Brunet, tant pour sa diction que pour son incarnation scénique époustouflante, ou encore la sûreté du matériau vocal. Tous les autres artistes portent haut l’art du chant lyrique et la déclamation française, notamment au sein du groupe de carmélites, qui se révèle d’une homogénéité et d’un rayonnement vocal forçant l’admiration. La jeune Anaïs Constans se jette corps et âme dans les tourments de Blanche de la Force, et sa conviction fait ici mouche : touchante dans ses accès de peur, elle paraît comme aspirée par la grâce au moment de rejoindre ses compagnes dans la mort... En Constance, Jodie Devos possède les qualités de sa consœur, avec néanmoins une fraîcheur de timbre et des couleurs bien à elle. Déjà applaudie dans le même rôle à l’Opéra Grand Avignon l’an passé, Catherine Hunold incarne une Madame Lidoine d’une rayonnante humanité, à l’aigu facile et puissant, qui réussit l’exploit de rester intelligible dans les zones les plus « fâcheuses » de la tessiture de ses deux « airs ». De son côté, Anaïk Morel aborde la partie de Mère Marie avec l'impétuosité de sa jeunesse, et dessine parfaitement la fierté et la rigidité du personnage. Les hommes ne sont pas en reste, à commencer par le luxueux Marquis de Jean-François Lapointe, qui sort à peine des représentations des Puritains à Marseille, et qui se montre ici tout aussi exemplaire. L’étonnant ténor bordelais Thomas Bettinger, que l’on pourrait juger surdimensionné pour le Chevalier, a l’immense mérite de redonner au frère de Blanche son statut de premier plan. Enfin, Vincent Ordonneau est un percutant Aumônier, tandis que chacune des apparitions du jeune baryton français Jérôme Boutillier (Geôlier, Javelinot, Thierry) est un régal, tant la voix fait preuve d'un sensationnel impact.

Emmanuel Andrieu

Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc au Théâtre du Capitole, jusqu’au 1er décembre 2019

Crédit photographique © Patrice Nin

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