Théâtre des Champs-Elysées : Les Noces de Figaro nostalgiques de James Gray

- Publié le 2 décembre 2019 à 12:31
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Pour sa première mise en scène lyrique, le cinéaste offre une vision d'un classicisme littéral. Sous la direction musicale de Jérémie Rhorer, le plateau est dominé par le Comte de Stéphane Degout.

Confier au réalisateur de Little Odessa et d’Ad astra sa première mise en scène lyrique : joli coup pour les Champs-Elysées ! Mais ces Noces de Figaro sont au mieux une surprise, au pire une déception. Qui aurait attendu une production d’un classicisme aussi littéral, presque nostalgique ? C’est Strehler ressuscité, la subtilité en moins ! Spectacle en tout cas réglé de main de maître, au rythme souvent bondissant, où l’on rit volontiers, où chacun est comme il faut, la Comtesse mélancolique, Figaro rusé, Basile ridicule ; où la violence peut également sourdre entre maître et serviteur. Avec un beau nocturne au troisième acte, parmi les frondaisons. Pas moins beaux, les costumes d’époque de Christian Lacroix, robes à paniers et coiffures à la Quesaco… Et avec sa perruque, on dirait Mozart au continuo. Bref, ça divertit plus que ça interroge.

Une distribution homogène et pertinente entoure le Figaro rocailleux de Robert Gleadow, virevoltant mais vocalement assez brut, rien moins qu’italien. Sa Suzanne est une Anna Aglatova vive et stylée, à la voix charnue, plus corsée que de coutume, au service de la jeune et belle Comtesse, encore un peu Rosine, de Vanina Santoni, chant d’école dans ses deux airs. Eléonore Pancrazi a les frémissements de Chérubin, avec une Romance à faire chavirer sa marraine, bien assorti à la très prometteuse Barberine de Florie Valiquette. Impayables Mathias Vidal en Basilio plus vipère que caricature, Jennifer Larmore en Marcelline, qui accommode les restes de sa voix, Carlo Lepore en Bartolo imposant. Mais Stéphane Degout les domine tous, Comte de rêve par la beauté du timbre et la conduite de la voix, impérieux et fragile, d’une classe incroyable jusque dans le moindre récitatif.

Jérémie Rhorer dirige vite, quitte à mettre à la peine un orchestre aux sonorités rien moins qu’idéales, mais il tient les finales. Si les deux premiers actes accusent trop de raideur, il respire enfin à partir du troisième, ajoutant la poésie au théâtre.

Les Noces de Figaro de Mozart. Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 1er décembre.

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