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Les Noces de James Gray aux Champs-Elysées

Les Noces de James Gray aux Champs-Elysées

Le grand événement de la saison lyrique internationale est enfin à l’affiche du Théâtre des Champs-Elysées. Couverte d’éloges, la production des Nozze di Figaro de Mozart semble être une parfaite réussite mais d’une représentation à l’autre, beaucoup de choses peuvent changer. Compte-rendu…

Michel Franck, le directeur général du Théâtre des Champs-Elysées a réussi un très grand coup. En invitant le réalisateur de renom James Gray à faire ses tous premiers pas à la mise en scène d’opéra, il a surpris et enthousiasmé la sphère lyrique et même au-delà en prenant toutefois un risque. Les mélomanes ont souvent vu nombre de grands artistes venus du cinéma se casser les dents sur un genre qui demande des compétences particulières. Avec un chef-d’œuvre comme Le Nozze di Figaro de Mozart, le pari était d’autant plus audacieux que les grandes références ne manquent pas. Ce vendredi 29 novembre 2019, le Théâtre de l’avenue Montaigne a vécu l’un de ses grands soirs qui restera sans nul doute dans les annales de la salle.

Au service de l’œuvre

© Vincent Pontet

© Vincent Pontet

Le cinéma de James Gray est l’un des plus raffiné grâce à la profondeur psychologique des personnages et une émotion toujours à fleur de peau. Depuis son premier film, l’intime et profond Little Odessa, il est passé aux grandes fresques en abordant des genres aussi inattendus que le polar (We Own the Night) ou la science-fiction (Ad Astra). Personne ne soupçonnait l’amateur éclairé d’opéra. En respectant scrupuleusement le livret, le metteur en scène opte pour une vision traditionnelle mais dépasse le côté bon élève en accomplissant un travail absolument parfait sur la psychologie des personnages. Tout est dans les détails, ciselés et admirablement reproduits grâce aux très grands talents sollicités sur scène. Avec l’Espagne du XVIIe siècle, le couturier Christian Lacroix est dans son élément et ses costumes semblent plus vrais que nature. Le décor de Santo Loquasto sur plusieurs étages et prenant sur la fosse autorise les mouvements fluides et permet une vivacité bienvenue à cette « folle journée ». James Gray dispose surtout d’un plateau d’excellents comédiens, hélas pas exempt de petits problèmes vocaux.

Pas de Noces sans Figaro

© Vincent Pontet

© Vincent Pontet

Est-ce à cause d’un relâchement lors de la deuxième représentation ? dans le rôle payant de Figaro, Robert Gleadow accuse une faiblesse vocale qui se ressent dans des aigus plafonnés. Le malaise s’installe même dans son air Aprite un po' quegli occhi, un peu précipité par le chef, il est vrai. Mozartien reconnu et apprécié, Jérémie Rhorer confond parfois théâtre et agitation. Sa direction est efficace dans l’action mais peine à séduire surtout avec Le Cercle de l’Harmonie qui sonne bien maigre et pas très beau (les dégagements construits sur la fosse étoufferaient-ils le son ?). Les airs de la Comtesse manquent de rondeur et de chaleur avec une Vannina Santoni qui sonne étonnamment un peu petit et pas toujours très juste. Eléonore Pancrazi campe un agréable Chérubin qui pourrait être encore plus espiègle et imposant vocalement. Anna Aglatova possède les finesses du rôle de Suzanna et enchante dans son air Deh vieni, non tardar.

© Vincent Pontet

© Vincent Pontet

Avec Florie Valiquette dans le rôle de Barberina, un luxe a été apporté à la distribution des rôles secondaires où l’on remarque les sonores Jennifer Larmore et Carlo Lepore, harmonieux couple Marcelina/Bartolo, les impeccables Matthieu Lécroart (Antonio) et Rodolphe Briand (Curzio) et surtout Mathias Vidal. En susurrant ses répliques, le ténor compose un Basilio d’anthologie plus fourbe que jamais. Dans les beaux habits du Comte Almaviva, Stéphane Degout est une fois de plus irrésistible. Sa composition est tout simplement fascinante car on a rarement vu un anti-héros avec autant de naturel et une psychologie ainsi fouillée. Il faut suivre sur son visage la gamme des expressions qui dessinent les traits du Comte. Tour à tour grand seigneur, veule, libidineux, un peu nigaud, il est impérial avec une voix au-delà des éloges.

Son interprétation emmène l’ensemble et fait oublier les quelques déconvenues. Pour sa toute première production lyrique, James Gray a trouvé avec Stéphane Degout, un idéal chanteur/acteur. Espérons qu’artiste et metteur en scène se recroiseront et que le coup de maître du cinéaste ne restera pas sans lendemain avec, qui sait ? d’autres projets à l’horizon du Théâtre des Champs-Elysées.

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