Le spectacle imaginé par Bernard Pisani pour Les Pêcheurs de perles a été créé à Limoges au printemps 2018, en coproduction avec les Opéras de Reims et Nice, où il a été montré depuis. Sa reprise à l’Opéra de Toulon est un plaisir renouvelé. La mise en scène est à la fois simple et lisible, tout en visant au dépaysement vers l’île de Ceylan du livret, dans un orientalisme coloré et naïf où les personnages évoluent pieds nus dans des costumes aux tons jaune, orange ou rouge.

Situées de part et d’autre du plateau, des vagues géantes se déplacent transversalement, tandis qu’un disque au fond passe du jaune au blanc suivant l’ambiance diurne ou nocturne. Les lumières de Nathalie Perrier sont très suggestives, ainsi que la scénographie d’Alexandre Heyraud et les costumes de Jérôme Bourdin. Sur la plage, des coquillages sont portés en boucle d’oreille par Nadir et en collier par Zurga, Leïla fait son entrée en scène juchée au sommet d’une vague, puis à l’acte II les ruines du temple sont évoquées par une grande statue de Shiva au fond, ainsi que par les poses acrobatiques de cinq danseurs au lever de rideau… Le public, assez bon enfant, ne peut pas se retenir d'applaudir !

La distribution vocale aligne des pépites, en premier lieu les deux rôles masculins principaux. On attendait avec gourmandise le ténor Reinoud Van Mechelen dans Nadir, ce rôle le faisant sortir de son répertoire baroque habituel, où le chanteur est d’ailleurs souvent annoncé en tessiture de haute-contre. Le grave et le médium sont d’abord très consistants, puis la ligne de chant très soignée dans l’aigu, comme au cours de son air élégiaque « Je crois entendre encore ». L’instrument s’allège par moments, mais les passages en voix mixte ou de tête sont finalement plutôt rares, Nadir restant ce soir un ténor à l’émission traditionnelle.

On est aussi très heureux d’entendre le baryton Jérôme Boutillier en Zurga, enfin un magnifique emploi d’importance pour lui. Le grain vocal est d’une belle noblesse, richement timbré et le style d’une élégance rare ; seules les notes les plus aiguës semblent fragiles et doivent être soit négociées avec prudence, soit évitées. Les deux voix de ténor et baryton sont en tout cas superbement appariées, ceci dès leur premier duo « Au fond du temple saint ».

La soprano Anaïs Constans dessine une Leïla à la voix ample, plus large certainement que ce qu’on peut entendre d’ordinaire pour ce personnage. Le timbre n’en est pas moins charmant et coloré, d'une agréable rondeur et d'une agilité appréciable, prise uniquement en défaut d’intonation sur les dernières petites notes piquées de son grand air en fin de premier acte « Ô Dieu Brahma ! ». L’interprète montre beaucoup d’engagement dans ses duos, aussi bien avec Nadir (« Leïla ! Dieu puissant », acte II) qu’avec Zurga (« Je frémis, je chancelle », acte III), donnant une couleur davantage lyrique à ces passages, et motivant ses partenaires à rivaliser à pleine voix avec elle. Le quatrième protagoniste est le baryton-basse Jacques-Greg Belobo qui incarne un Nourabad d’une voix bien placée, à l’autorité naturelle.

Le chef Robert Tuohy et l’Orchestre de l’Opéra de Toulon magnifient la partition de Bizet. La direction variée souligne finement ses accents orientalistes, avec des instrumentistes délicats lorsqu’il le faut, comme l’accompagnement à la flûte et harpe du duo « Au fond du temple saint ». Les chœurs de l’Opéra de Toulon constituent malheureusement le gros point faible de la soirée, dans un ouvrage où ils sont souvent sollicités. Le son manque cruellement d’homogénéité et de séduction, chez les femmes en particulier où on entend certaines voix pointues désolidarisées et au vibrato marqué. C’est un peu moins flagrant lorsque les choristes chantent depuis les coulisses, mais leur prestation reste globalement de qualité insuffisante en comparaison du niveau général de la représentation.

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