Opéra
Une Cenerentola sous le signe de la féerie vocale

Une Cenerentola sous le signe de la féerie vocale

03 January 2020 | PAR Gilles Charlassier

Pour les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Liège met à l’affiche une Cerenentola pleine de féerie et d’humour réglée par Cécile Roussat et Julien Lubek, avec Karine Deshayes toute en sensibilité et en musicalité dans le rôle-titre.

[rating =4]

Le duo formé par Cécile Roussat et Julien Lubek compte parmi les metteurs en scène qui règlent tous les paramètres d’un spectacle, de la scénographie aux lumières, en passant par les costumes et les mouvements chorégraphiques. La Cerenentola qu’ils avaient conçue pour l’Opéra de Liège – maison fidèle qui leur avait ouvert les portes du répertoire lyrique en 2010 avec La flûte enchantée – et reprise pour ces fêtes de fin d’année, en offre l’illustration. De même, la production témoigne de leur esthétique mêlant vitalité ludique et poésie chamarrée, idéale pour faire rêver tous les publics à l’heure des fêtes, sans pour autant sacrifier l’intelligence ironique.

Le rideau se lève sur un tulle aux teintes nocturnes et étoilées, derrière lequel s’ouvre un livre, aux côtés du deus ex machina du conte, Alidoro : habile, l’artifice reconstitue le procédé narratif de l’ouvrage, sans verser dans le didactisme. Les comparses du bienfaiteur, vêtus de paillettes, font ensuite office de machinistes pour mouvoir, au gré de l’intrigue, le carrousel, qui tient lieu de décor unique, tour à tour demeure de Don Magnifico et palais du prince. La caractérisation des situations et des personnages se révèle savoureuse. Alidoro apparaît en faux-mendiant à moignons enroulés de bandelettes sur chaise roulante, tandis que Dandini, valet ersatz de prince pour confondre l’avidité hypocrite de Magnifico – que l’on découvre paressant dans son lit réversible – et ses filles, a l’allure d’une caricature de Napoléon, bicorne inclus. L’élan du jeu d’acteurs et le foisonnement des clins d’oeil alourdit sans doute un peu le finale du premier acte, tandis que celui du second se montre mieux focalisé sur les retournements psychologiques d’un dénouement irrésistible et tendre à la fois.

Karine Deshayes, qui n’avait encore jamais foulé les planches liégeoises, fait montre de sa sensibilité et de son savoir-faire dans le rôle-titre. Conjuguant une volubilité virtuose et une souplesse de ligne qui épouse les nuances du sentiment, sa Cendrillon fait rayonner la bonté sincère du personnage sous un voile de timidité presque apprêtée. Face à cette belle incarnation, Levy Sekgapane porte l’éclat juvénile et lumineux de Don Ramiro, dont la vaillance, un peu raide dans les premières répliques, s’épanouit au fil de la soirée. Enrico Marabelli fait un robuste Dandini, à la rusticité idéalement plébéienne, qui ne semble guère frapper le Magnifico de Bruno de Simone, coiffé d’une énorme perruque au mauvais goût aussi insolent qu’une fatuité détaillée avec gourmandise. Sarah Defrise et Angélique Noldus affirment une évidente complémentarité en Clorinda et Tisbe, dont les voix n’économisent guère les effets pour souligner les caprices des deux pimbêches. Remplaçant Laurent Kubla, annoncé souffrant, Luca Dall’Amica résume sans faiblesse la bienveillance d’Alidoro.

Préparé par Pierre Iodice, les choeurs remplissent honorablement leur office. Dans la fosse, Speranza Scappucci, la directrice musicale de la maison, impulse une vitalité qui soutient efficacement le plateau vocal, et fait vivre le tourbillon d’émotions d’une partition exquise à l’heure des fêtes – et pas seulement – dans un spectacle où tous, novices comme amateurs confirmés, pourront trouver du plaisir.

La Cerenentola, Rossini, Opéra royal de Liège-Wallonie, décembre 2019

Visuel : affiche / Opéra Royal de Liège

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Gilles Charlassier

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