A l’Opéra d’Avignon, une Fille du régiment très française

- Publié le 23 janvier 2020 à 16:53
Home
Shirley et Dino mettent en scène cette nouvelle production à la loufoquerie bien tempérée. Anaïs Constans et Julien Dran se distinguent dans les rôles principaux, sous la direction pimpante de Jérôme Pillement.

Faut-il forcément inscrire La Fille du régiment dans quelque conflit mondial ? En s’inspirant du néo-réalisme italien, Shirley et Dino choisissent une autre voie et évitent la référence patriotique. Une transposition sans détournement avec pour modèle avoué Pain, amour et fantaisie de Comencini. Ils savent en effet jusqu’où ne pas aller trop loin et éviter la charge grotesque. Certes ils ont adapté les dialogues, certes ils ont convoqué Nino Rota et inséré des extraits des bandes-sons de 8 ½ et d’Amarcord ; certes ils font leur numéro – avec la complicité du chef d’orchestre – et jouent les chanteurs en quête d’engagement, se risquant même à brailler le « De ci, de là, cahin caha » de Véronique. Et Hortensius devient un travelo, la duchesse de Crakentorp un trans – campés par le même João Ribeiro Fernandes, impayable. Rien de tout cela n’abîme pour autant une partition où la tension, après tout, est loin d’être insoutenable. D’une loufoquerie bien tempérée, impeccablement troussée, la production, qui tient parfois de la comédie musicale, fonctionne plaisamment dans son décor en mapping vidéo.

Musicalement, pas d’annexion au Donizetti italien : la distribution reste fidèle à l’esprit de l’opéra comique français, rapprochant l’œuvre d’Auber, sous la direction pimpante, jamais appuyée de Jérôme Pillement. Anaïs Constans a la voix de Marie, qui n’est pas rossignol : aigu brillant, certes, mais médium substantiel et bien projeté, agilité pour le « Salut à la France », mais cantabile soutenu pour « Il faut partir » – à peine regrette-t-on un chant un peu monochrome. Ici jeune carabinier gauche et dégingandé, Julien Dran a de l’aigu à revendre, ajoutant même deux contre-ut aux huit de sa Cavatine, au demeurant pas moins stylé que sa partenaire, notamment quand il galbe les phrases de « Pour me rapprocher de Marie » – à peine souhaiterait-on ici une émission plus souple. Julie Pasturaud et Marc Labonnette tranchent sur les chanteurs en bout de course qu’on affiche trop souvent en Marquise et en Sulpice, la première faisant de registres dessoudés un ingrédient comique.

La Fille du régiment de Donizetti. Avignon, Opéra Confluence, le 17 janvier.

Diapason