Jean-Louis Grinda signe une Bohème chic à l'Opéra de Monte-Carlo

Xl_boh_me © Alain Hanel

Créée à la Royal Opera House de Mascate à l’automne dernier, ville coprodutrice du spectacle, cette nouvelle mise en scène de La Bohème de Giacomo Puccini accoste cette fois sur les bords de la Méditerranée, à l’Opéra de Monte-Carlo. Et ce n’est que justice puisque son concepteur n’est autre que Jean-Louis Grinda, qui vient tout juste de fêter ses 60 ans et d’annoncer qu’il laisserait dans trois ans les rênes de la vénérable institution monégasque à Cecilia Bartoli. Pour le reste, on s’en doutera, l’homme de théâtre natif du Rocher offre à voir une Bohème fidèle au livret, ce qui est presque un tour de force aujourd'hui, après les mises en scène de l’ouvrage vues dernièrement – comme celle transposée dans un vaisseau spatial par Claus Guth pour l’Opéra de Paris ! Oui, il faut de l’audace aujourd’hui pour afficher une proposition scénique « traditionnelle », qui ne fasse pas de Rodolfo un psychopathe, ni de Mimi une névrosée, dans un hôpital psychiatrique au fin fond de la Sibérie à l’époque stalinienne... Bref, tout ici est illustratif, mais sans être totalement réaliste pour autant, car ce sont deux amoureux plutôt bourgeois-bohèmes qui évoluent ce soir sous nos yeux. Point de mansarde misérable ici, mais un loft-atelier cosy et muni d’une immense verrière qui laisse entrer les magnifiques éclairages de Laurent Castaingt, tour à tour mordorés au coucher de soleil (photo), puis bleutés à l’heure vespérale. De mêmes les superbes costumes de Diane Belugou évoquent plus Prada que les frusques du Marché de Saint-Ouen, du moins ceux portés par les interprètes féminines, tandis que ceux endossés par les hommes s'avèrent bien légers pour le rude hiver parisien... Mais qu’importe, car la vérité psychologique des personnages est en revanche, elle, belle et bien respectée, à l’inverse du Roméo et Juliette scaligère vu la veille. Et comme toujours avec Jean-Louis Grinda, la direction d’acteurs est suffisamment fine pour donner vie à chaque protagoniste et les rendre ainsi tous attachants.

Vocalement, la soirée est également d’un excellent niveau. Andeka Gorrotxategi a le timbre et les moyens du rôle, même si l’aigu est parfois contenu. La ligne de chant et l’expression du ténor basque donnent à Rodolfo l’émotion que l’acteur ne parvient cependant pas toujours à rendre si immédiate. Plus expressive, la soprano russe Irina Lungu – splendide Anna Bolena à l’Opéra Grand Avignon il y a trois ans – campe une Mimi fragile et délicate, au médium séduisant, et dotée de beaux aigus. Il faudrait toutefois un soupçon supplémentaire de morbidezza pour incarner vraiment l’héroïne puccinienne... mais la chanteuse émeut néanmoins de bout en bout. Baryton proche de la basse, Davide Luciano est un Marcello chaleureux et sans faille, à l’instar du Schaunard de Boris Pinkhasovich. Quant à Nicolas Courjal, il est bien évidement un luxe dans le rôle de Colline, auquel il prête ses graves ronds et profonds à la fois. Mention, enfin, pour la Musetta alerte, rouée, et parfaitement chantée de la soprano éthiopienne Mariam Battistelli. Avec une telle équipe, les ensembles sont parfaitement maîtrisés, notamment les quatuors des bohèmes, dont se dégage une réelle complicité.

Dans la fosse de la Salle Garnier, le chef italien Daniele Callegari impose à l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo une lecture vive et précise. Les tempi ne traînent pas et les lignes instrumentales sont bien dégagées, sans le moindre empâtement. Les qualités de la phalange monégasque lui permettent, par ailleurs, de réaliser un beau travail sur les sonorités et les climats dramatiques.

Emmanuel Andrieu

La Bohème de Giacomo Puccini à l’Opéra de Monte-Carlo, le 31 janvier 2020

Crédit photographique © Alain Hanel

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