Dans une production toulousaine de 2001, l’opéra de Donizetti revient, près de 20 ans après, sur les planches du Théâtre du Capitole. Le plateau vocal est bien sûr largement renouvelé et l’Orchestre National du Capitole est dirigé par le chef d’orchestre italien Sesto Quatrini. Ce moment de légèreté et de comédie est d’ailleurs tombé à point nommé pour le public qui dut ce samedi 29, entre autres péripéties, montrer patte blanche à la Compagnie Républicaine de Sécurité entourant le Capitole pour pouvoir accéder à la salle. Cet événement ainsi que l’absence d’Otar Jorjikia, souffrant, ont amené le directeur Christophe Ghristi à prendre la parole en prélude à la soirée qui a commencé logiquement légèrement en retard.

La mise en scène d’Arnaud Bernard joue sur un découpage de la scène en trois plans, séparés par des murs mobiles qui sont fermés au moment d'accueillir le spectateur. Leurs différentes positions, alliées à une projection d'images changeantes en fond de scène, permettent d’accompagner le déroulement de l’action avec simplicité. Les décors et costumes de William Orlandi nous amènent dans une ambiance années folles, rendue quelque peu nostalgique par les images et les lumières brunes de Patrick Méeüs. Dans cette même direction, l’apparition du chœur, aux changements d’acte ou de scène, sous forme de tableaux figés donne un très beau rendu malgré son côté déjà-vu. Dans une scène immense mais quelque peu vide, quelques éléments rehaussent le tout : la canne du sergent, le livre d’Adina racontant la légende de Tristan et Yseult, la bouteille (de Bordeaux) d’élixir, les accessoires photographiques du docteur, les vélos et le tacot d’époque.

Côté plateau vocal, c’est le ténor Paolo Fanale, habitué de l’œuvre, qui hérite finalement du rôle de Nemorino alors que Kévin Amiel, prévu pour le second plateau, avait déjà remplacé pour la première Otar Jorjikia. Fanale intègre parfaitement le jeu scénique comme vocal du personnage d’une naïveté presque bête, très puissant et clair dans son articulation mais parfois un peu rocailleux dans les passages les plus soutenus. En Adina, Vannina Santoni débute timidement mais s’impose rapidement sur le plan vocal et incarne parfaitement l'hybris et le déni de son caractère. Sa gestuelle traduit avec justesse son tourment intérieur, refusant d’avouer son amour pour Nemorino alors que sa voix, en particulier dans les forte, montre sa fierté. 

Sergio Vitale (Belcore) est également très présent dans son rôle du sergent autoritaire, caricature du militaire. Il est toutefois bien souvent masqué par l’orchestre, tout comme Marc Barrard (Dulcamara). Le docteur, vendeur ambulant et imposteur, brille en effet plus par ses déplacements et sa bonhomie que par sa voix de basse. Tous les duos qui impliquent l'un ou l'autre de ces personnages sont d’ailleurs extrêmement déséquilibrés, à chaque fois en faveur d’Adina ou de Nemorino. Seuls ces deux derniers trouvent un équilibre vocal. Le Chœur du Capitole reste en revanche toujours bien réglé, sous la direction de Sesto Quatrini qui n’aura de cesse d’assouplir et d’adoucir sa gestuelle, oscillant entre baguette de la main droite et doigté léger de la main gauche.

Malgré la brièveté de l’œuvre, la sobriété de la mise en scène – répondant certes à la simplicité du livret – amène de nombreux moments de creux. Ce sont finalement les petits gestes humoristiques et le jeu des acteurs, chanteurs et figurants qui donnent l’élan suffisant à une production qui en aurait cruellement fait défaut autrement. Ainsi, la casquette jetée et maltraitée de Nemorino, le docteur qui défige les choristes de leur tableau ou encore les mimiques d’Eric Afergan (l’homme de main du docteur) forgent le caractère léger et jovial de la représentation, trouvant un écho certain dans l’ambiance sonore proposée par le chef italien.

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