Opéra
Pesaro, ou la renaissance sous le signe de Rossini

Pesaro, ou la renaissance sous le signe de Rossini

18 August 2020 | PAR Gilles Charlassier

Dans un contexte marqué par la crise sanitaire, le Rossini Opera Festival n’a pas baissé les bras et présente une programmation adaptée, avec une reprise du Voyage à Reims, et une nouvelle production de La cambiale di matrimonio.

Particulièrement marquée par la crise du coronavirus, l’Italie n’a pas pour autant renoncé, contrairement à d’autres pays, aux festivals qui contribuent à une partie de son attractivité estivale – même si la fréquentation touristique est moindre qu’habituellement. A Pesaro, le Rossini Opera Festival présente une édition 2020 adaptée, où la plupart des soirées se tiennent en plein air, sur la Piazza del Popolo, à l’exemple du concert en hommage aux victimes de la pandémie, deux jours avant le début de la programmation officielle. Après quelques allocutions introductives, la Petite messe solennelle, dans sa version originelle pour deux pianos et harmonium fait retentir ses accents consolateurs, avec un quatuor bien calibré réunissant, des tessitures soprano à basse, Mariangela Sicilia, Cecilia Molinari, Manuel Amati et Mirco Palazzi, ainsi que les choeurs préparés par Mirca Rosciani, sous la houlette d’Alessandro Bonato, On retiendra l’économie du Kyrie, la variété des couleurs et des épisodes dans le Gloria et le Credo, sans oublier l’émouvant recueillement de l’Agnus Dei.

C’est ce même jour d’avant-première, jeudi 6 août, que la presse, si elle ne peut venir sur les autres dates, est invitée à découvrir, au Teatro Rossini, la nouvelle production du premier opéra de Rossini, La cambiale di matrimonio, précédé par l’ultime page lyrique du compositeur, la cantate Giovanna d’Arco – qui ne sera pas jouée lors de la générale pour cause d’indisposition de la soliste, Marianna Pizzolato. Nous pourrons néanmoins profiter de cette pièce lors de la soirée du 13 août et le contraste avec l’opéra léger qui suit nous saute aux yeux et témoigne de l’évolution stylistique du compositeur. L’oeuvre est grave et tragique. La mezzo se présente sobrement devant le rideau de scène juste derrière l’orchestre et l’acoustique est un bonheur. Pizzolato maitrise parfaitement cette partition courte mais ardue, allie puissance et souplesse et parvient en aussi peu de temps à donner corps à son propos. 

Ainsi, en raison des contraintes sanitaires, la configuration est singulière : l’orchestre est réparti au parterre, en suivant les distances réglementaires, sans sacrifier cependant aucun pupitre – on se souvient que certains orchestres français avaient banni les vents lors de la reprise en fin juin – tandis que le public est réparti dans les loges. L’impression est à la fois intimiste et spectaculaire. Il est rare de pouvoir aussi agréablement promener son regard des musiciens aux chanteurs, d’apprécier avec autant de fluidité des composantes musicales de l’opéra. 

Réglé par Laurence Dale, le spectacle module habilement la direction d’acteurs au gré du protocole en vigueur, en le rendant signifiant dans le contexte de la farce, à l’exemple des mains qui refusent de se serrer, pour refuser de toper lorsqu’il s’agit de conclure un contrat. L’ensemble ne manque pas d’allant et d’énergie, et déroule l’intrigue avec une agréable fluidité dans le décor de panneaux coulissants imaginé par Gary McCann : le perron et la façade où se jouent les tractations d’antichambre laissent parfois deviner l’intérieur de la demeure de Mill, sous les lumières efficaces de Ralph Kopp.

Côté distribution vocale, aux qualités complémentaires, Carlo Lepore affirme une présence et une voix calibrées pour le rôle. Il s’appuie sur la rondeur généreuse de son timbre et un évident savoir-faire comique pour imposer un Mill calculateur et passablement fat, mais en fin de compte ridicule. Le Slook du formidable Iurii Samoilov témoigne d’un sens de l’expressivité, soutenu par un très beau timbre et une émission solide, équilibrée entre le chant et la déclamation. En Fanni, Giuliana Gianfaldoni séduit par un babil légèrement acidulé et résume avec évidence la fraîcheur de la jeune fille amoureuse de l’Edoardo de Davide Giusti, dont le lyrisme aéré et instinctif ne peuvent faire résister le personnage comme les oreilles. Si le Norton de Pablo Galvez ponctue sans faute l’action, la Clarina de Martiniana Antonie se montre un peu plus discrète, dans une dramaturgie qui ne la met pas excessivement sous les feux de la rampe.

Troquant sa voix de ténor pour la baguette, Dmitry Korchak, à la tête de l’Orchestre Symphonique Rossini, confirme ses affinités avec l’univers rossinien, impulsant la vitalité, la couleurs et la franchise de Cambiale di matrimonio, opus certes de jeunesse mais déjà plein de maîtrise.

Gilles Charlassier et Paul Fourier

La cantate Giovanna d’Arco et La cambiale di matrimonio, Rossini Opera Festival, Pesaro, août 2020

© Studio Amati Bacciardi

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