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« Hippolyte et Aricie » : salle vide, coeur plein

Diffusée en direct en ligne via Arte Concert et à la radio sur France Musique depuis un Opéra Comique désert, « Hippolyte et Aricie » restera une des rares productions lyriques de ce dernier trimestre. Si la mise en scène de Jeanne Candel oscille entre sobriété et facilités, la direction musicale et la distribution vocale ne sont que félicité.

Diane (Eugénie Lefebvre) parmi prêtres et prêtresses. A gauche, Phèdre (Sylvie Brunet-Grupposo) et sa confidente OEnone (Séraphine Cotrez)
Diane (Eugénie Lefebvre) parmi prêtres et prêtresses. A gauche, Phèdre (Sylvie Brunet-Grupposo) et sa confidente OEnone (Séraphine Cotrez) (© Photo Stéphane Brion)

Par Philippe Venturini

Publié le 15 nov. 2020 à 17:00Mis à jour le 16 nov. 2020 à 11:39

Les dernières images font froid dans le dos. Un lent zoom arrière révèle un Opéra Comique désert, survole un orchestre masqué de noir, puis un panoramique balaie chanteurs, choristes, figurants et techniciens, debout, installés en corbeille, dans un silence glacé. Evidemment pas de saluts, pas d'applaudissements, pas de réjouissances. Rameau et ses interprètes méritaient assurément un tout autre accueil mais le Covid-19 en a décidé autrement. Et il faut se réjouir d'avoir pu assister, certes chez soi et penché sur son écran, à une représentation (unique au lieu des six prévues) en direct et sans public, en ces temps d'annulations en cascades. La rediffusion en streaming pourra consoler les absents, permettant même d'assister à la fin du deuxième acte, invisible en ce samedi 14 novembre, du fait d'un problème technique.

Raphaël Pichon et Jeanne Candel ont choisi l'ultime version d'« Hippolyte et Aricie » (1757), premier opéra qui fit connaître à un large public celui qu'on considérait surtout comme un aride savant. Sans s'égarer dans les détails, il faut préciser qu'elle se montre plus courte (le prologue a disparu, des nombreux passages sont supprimés), plus condensée, que celle de la création en 1733, probablement plus à même de captiver qui découvre cette « tragédie lyrique en cinq actes » inspirée par la « Phèdre » de Racine. Se télescopent donc l'amour de Phèdre pour Hippolyte, fils de son époux Thésée, et celui, réciproque, des deux rôles-titres.

Décor contemporain

A l'antiquité du sujet et au XVIIIe siècle de la partition, Jeanne Candel et ses collaborateurs ont préféré un vestiaire glané entre hier et aujourd'hui, entre orient et occident, définissant nettement chaque personnage dans un décor contemporain. Si les enfers dans lesquels va s'aventurer Thésée pour secourir son ami Pirithoüs rappellent, par leurs escaliers et leurs plateaux, le dédale des prisons de Piranèse, et les nuages en toile peinte portent un joli clin d'oeil au passé, la fascination pour les seaux, blouses, gants de ménage et autres serpillières demeure un insondable mystère.

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Habiller les prêtres et prêtresses de Diane, déesse de la chasse mais aussi de la chasteté, de combinaisons blanches et de bottes comme autant de symboles de la pureté, n'est sans doute pas non plus une idée des plus heureuses. La mise en scène permet, cela dit, de clairement suivre le récit et de percevoir les émotions de chacun.

Elégance du chant

Il faut reconnaître que le chant les exprime avec une élégance et une éloquence supérieures, dans un français admirable. Elsa Benoit fait d'Aricie plus qu'une oie blanche qui va se soumettre au culte de Diane alors qu'elle aime Hippolyte. Hippolyte qui profite de la sensibilité frémissante et du noble charme du ténor Reinoud van Mechelen. Sans surprise, Sylvie Brunet-Grupposo dévoile toute l'ambiguïté de Phèdre, calculatrice mais fragile, dans sa voix aux noirs accents, et Stéphane Degout campe un Thésée royal et blessé.

Coup de chapeau également à Lea Desandre pour ses gracieuses apparitions, à Eugénie Lefebvre pour sa Diane lumineuse et à toute l'équipe. Et un grand bravo à Pygmalion, choeur et orchestre infaillibles, et à Raphaël Pichon qui sait lire les pleins et déliés d'une partition foisonnante, où tendresse, jalousie, faiblesse, autorité se disputent le premier rang. De quoi échauffer le coeur quand le dos est froid.

Descente aux enfers…

Descente aux enfers…© Photo Stéphane Brion

Hippolyte et Aricie

Opéra

de Jean-Philippe Rameau

Direction musicale de Raphaël Pichon. Mise en scène de Jeanne Candel.

A l'Opéra Comique.

Visible en streaming sur www.arte.tv.

2 h 45.

Philippe Venturini

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