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Aviel Cahn ramène Pelléas et Mélisande à Genève

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Genève. Grand Théâtre de Genève. 18-I-2021. Claude Debussy (1862-1918) : Pelléas et Mélisande, drame lyrique en cinq actes sur un livret de Maurice Maeterlinck. Mise en scène et chorégraphie : Damien Jalet ; Sidi Larbi Cherkaoui. Scénographie et concept : Marina Abramović. Costumes : Iris van Herpen. Lumières : Urs Schönebaum. Vidéo : Marco Brambilla. Dramaturgie : Koen Bollen. Dramaturgie musicale : Piet De Volder. Avec : Jacques Imbrailo, Pelléas ; Mari Eriksmoen, Mélisande ; Leigh Melrose, Golaud ; Matthew Best, Arkel ; Yvonne Naef, Geneviève ; Marie Lys, Yniold ; Justin Hopkins, Un médecin/Un berger ; Agathe Liechti, La Fille de Mélisande (rôle muet). Danseurs : Shawn Fitzgerald, Ahern Oscar Ramos, Robbie Moore, Pascal Marty, Jonas Vandekerckhove, Xavier Juyon, Valentino Bertolini, Carl Crochet. Chœur du Grand Théâtre de Genève (Chef des chœurs : Alan Woodbridge). Orchestre de la Suisse Romande, direction musicale : Jonathan Nott
Spectacle filmé et diffusé en direct sur le site du Grand Théâtre de Genève

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Créée à l'Opéra des Flandres lors de l'avant-dernière saison d'Aviel Cahn, la production pour Pelléas des artistes Cherkaoui, Jalet et Abramović est reprise dans la nouvelle maison du directeur, le Grand Théâtre de Genève.

Juste avant une nouvelle production de l'œuvre à l'Opéra de Rouen, elle aussi en streaming à cause de la situation sanitaire, Genève reprend celle programmée par Aviel Cahn au Vlaanderen Opera en 2018. À l'époque, ce spectacle avait été prévu pour être partagé avec l'Opéra du Rhin, qui l'avait annulé pour des raisons techniques et lui avait préféré celle plus simple du Komische Oper Berlin par Barrie Kosky. Confiée au trio Jalet-Cherkaoui-Abramović, cette mise en scène très contemplative de Pelléas et Mélisande de perd évidemment en force par un streaming qui permet toutefois de ne pas se focaliser sur certains éléments contrairement à ce qui peut se passer lorsqu'on est dans la salle. La vidéo, en ne se concentrant pas sur les danseurs, leur donne une place qui ne prédomine pas sur le drame.

Ainsi réapparaît la scénographie de Marina Abramović, d'abord plongée dans une cosmogonie figurée en fond de scène par des images de galaxies, tandis qu'au devant, les danseurs s'appliquent à tisser d'un fil une étoile mouvante, où s'accrocheront et se perdront d'abord Golaud puis Mélisande. Au milieu d'un plateau noir délimité – l'idée n'est pas neuve – par un anneau lumineux blanc, les chanteurs – quasiment les mêmes qu'en Flandres – déploient dès leur entrée un chant bien trop appuyé, dans lequel s'éternise chaque mot et chaque intonation, quand il faut dans cette œuvre maintenir la plus grande pureté. La dramaturgie trop marquée elle aussi () tente encore plus d'exacerber les sensations, au risque de couper toute émotion, et donc la puissance de suggestions des mots de Maeterlinck. Dommage, car les chorégraphes belges et , qui travaillent ensemble depuis vingt ans, cosignent une chorégraphie millimétrée.

Une distribution de huit danseurs masculins, dont deux font partie du Ballet du Grand Théâtre de Genève, intervient tout au long du spectacle pour des duos, trios ou ensembles. Leurs corps quasi nus, partiellement masqués par des sous-vêtements couleur chair, sont parfois revêtus d'une armure symbolique ou d'un voile de brume nocturne. La chorégraphie, fluide, sensuelle et charnelle, emprunte autant à l'histoire de la danse (Vaslav Nijinsky, notamment) qu'à celle de la peinture ; Gustav Klimt, Egon Schiele ou les symbolistes sont des sources d'inspiration évidentes, particulièrement pour certains portés. Déjà évoqué plus haut, le fait que les corps restent discrets appuie la présence lumineuse des chanteurs et intègre finement les danseurs dans la scénographie, ne laissant que deux beaux moments de danse pure.


Face à un Golaud () au timbre pas assez grave pour développer un chant trop exploité, ne se démarque pas plus la Mélisande () trop lyrique, souvent même minaudée, jusque dans la mort, face à sa fille déjà enfant ; une idée qui accentue un drame hors du temps et de l'espace. A cette notion s'accorde la chorégraphie comme la mise en scène, très sombre, d'un noir souvent contrebalancé par un blanc pâle, à l'image des rocs, définitivement phalliques, ajustés lors de nombreuses scènes. Comme pour les deux chanteurs précités et malgré une diction précise du français, le style exagéré est aussi éprouvé par Pelléas () qu'avec Arkel () ou Geneviève (), tout juste mieux exploité par Yniold (tenu par une femme plutôt qu'un enfant : ). Le même reproche peut être porté envers le chœur, dès le chant des matelots, là où à l'inverse, l' dirigé par garde une distance assez à même de sublimer la partition, notamment par ses tempi souvent ralentis.

La dernière image, sur le chef pour les ultimes accords, capte en arrière-fond un écriteau « Sortie », dont on aimerait à nouveau profiter au plus vite, plutôt que d'être réduit à goûter de tels spectacles devant un écran.

Crédits Photographiques : © Rahi Rezvani / Grand Théâtre de Genève

La partie consacrée à la chorégraphie a été écrite par Delphine Goater.

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Genève. Grand Théâtre de Genève. 18-I-2021. Claude Debussy (1862-1918) : Pelléas et Mélisande, drame lyrique en cinq actes sur un livret de Maurice Maeterlinck. Mise en scène et chorégraphie : Damien Jalet ; Sidi Larbi Cherkaoui. Scénographie et concept : Marina Abramović. Costumes : Iris van Herpen. Lumières : Urs Schönebaum. Vidéo : Marco Brambilla. Dramaturgie : Koen Bollen. Dramaturgie musicale : Piet De Volder. Avec : Jacques Imbrailo, Pelléas ; Mari Eriksmoen, Mélisande ; Leigh Melrose, Golaud ; Matthew Best, Arkel ; Yvonne Naef, Geneviève ; Marie Lys, Yniold ; Justin Hopkins, Un médecin/Un berger ; Agathe Liechti, La Fille de Mélisande (rôle muet). Danseurs : Shawn Fitzgerald, Ahern Oscar Ramos, Robbie Moore, Pascal Marty, Jonas Vandekerckhove, Xavier Juyon, Valentino Bertolini, Carl Crochet. Chœur du Grand Théâtre de Genève (Chef des chœurs : Alan Woodbridge). Orchestre de la Suisse Romande, direction musicale : Jonathan Nott
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