A l’Opéra-Comique : un Orfeo de Monteverdi sans magie

- Publié le 14 juin 2021 à 11:13
Marc Mauillon était le protagoniste de cette production mise en scène par Pauline Bayle et dirigée par Jordi Savall. 
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« Less is more » : appliquant la célèbre devise de l’architecte minimaliste Mies van der Rohe, Pauline Bayle déshabille avec soin son Orfeo – une scène nue, quelques fleurs, et c’est presque tout – et fait le pari que de la littéralité fleurira le sens. Très estimable intention d’une jeune metteuse en scène qui fuit l’esbroufe et ne cherche à plaquer sur l’œuvre ni cosmogonie ni slogans politiques. Au plateau pourtant, le drame ne prend pas, alourdi par une réalisation un peu approximative et chargée d’affectation. Quelques belles images marquent l’esprit mais gestes et déplacements ne semblent pas venir de la profonde nécessité intérieure que savent si bien faire jaillir, dans cette veine dépouillée, un Peter Sellars ou – pour l’Orphée de Gluck dans la même salle en 2018 – un Aurélien Bory. Dur travail que le premier degré !

Lyrisme retenu

La troupe réunie tente d’habiter les deux heures vingt d’un spectacle donné sans entracte sans toujours parvenir à dépasser l’intention, pas forcément aidée d’ailleurs par un Concert des Nations irréprochable mais que Jordi Savall retient dans son lyrisme. Avec ses chatoyantes couleurs et une belle cohésion, le chœur n’appelle que des éloges et mériterait mieux que de transbahuter ces bouquets de fleurs en plastique d’un bout à l’autre du plateau.

Enivrements vocaux contrastés chez les solistes, entre talents en devenir (bergers et esprits) et étoiles pâlissantes. En son temps lui-même un grand Orphée, Furio Zanasi a d’Apollon l’autorité mais plus guère la voix. La joie de la retrouver nous fait tout pardonner à Sara Mingardo, émouvante et fragile Messaggiera. Retenons également des courtes apparitions la digne et haute silhouette de Marianne Beate Kielland en Speranza. En Eurydice, Luciana Mancini peine à imposer une présence singulière : l’allégorie de la Musique lui tombe mieux sur les épaules – en même temps que sa sculpturale robe rouge. Poète à la lyre doux et humain, Marc Mauillon installe un Orphée touchant dans son humilité, sûrement plus convaincant dans la déploration (bouleversant « Tu se’ morta », pris à une injuste rapidité) que l’adjuration où s’exposent parfois ses limites. Certes, la rondeur et la latinité sont à chercher ailleurs, mais ce rôle infini autorise mille tempéraments.

L’Orfeo de Monteverdi. Paris, Opéra-Comique, le 9 juin.

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